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Fribourg durcit la lutte contre le travail au noir

Un peintre au travail.
© Thierry Porchet

Dans le canton de Fribourg, c’est dans la plâtrerie-peinture que les cas de travail au noir sont les plus nombreux. D’autres branches de la construction, comme le carrelage ou le ferraillage, sont aussi fortement touchées.

A l’unanimité, le Grand Conseil a décidé de mesures fortes, permettant de fermer des chantiers et d’amender les entreprises fautives jusqu’à un million de francs. Une première dans le pays et un succès pour les partenaires sociaux

Des sanctions pouvant aller jusqu’à un million de francs, la possibilité d’arrêter un chantier en cas de suspicion de travail au noir: le canton de Fribourg fait office de pionnier dans le renforcement de la lutte contre ce qui est considéré comme un fléau pour l’économie cantonale. Le canton perdrait ainsi 1 milliard de francs chaque année à cause du travail au noir.
Le 12 septembre, les députés au Grand Conseil ont adopté à l’unanimité, par 100 voix sans opposition ni abstention, les modifications apportées à la Loi sur l’emploi et le marché du travail (LEMT). Des améliorations exigées par les syndicats et le patronat face aux dégâts du travail au noir. Qui se manifestent non seulement sur la rémunération ou la santé et la sécurité des travailleurs, mais également en termes de concurrence déloyale pour les entreprises respectant les conventions collectives, et de pertes pour les assurances sociales et les recettes de l’Etat.

Arrêt des chantiers

Si les nouvelles mesures inscrites dans la loi concernent tous les secteurs du marché de l’emploi notamment la construction, l’agriculture, l’hôtellerie-restauration ou encore la coiffure, domaines où le travail au noir est légion, c’est surtout dans le premier que ses effets sont les plus attendus. «La construction reste le secteur le plus touché, en particulier dans l’artisanat, et le second œuvre, avec la plâtrerie-peinture, mais également chez les ferrailleurs. Le secteur représente la moitié des emplois jugés à risque dans le canton, et l’essentiel de la masse salariale non payée», précise Armand Jaquier, secrétaire régional d’Unia Fribourg. Celui qui est aussi député socialiste au Grand Conseil, et qui s’est fortement engagé pour améliorer la lutte contre le travail au noir, est très satisfait des nouveaux outils obtenus. «Les inspecteurs engagés par l’Etat et ceux de l’ICF (Inspectorat chantiers Fribourg) pourront arrêter un chantier ou une activité en cas de suspicion de fraude. Cette décision devra être validée ensuite par le Service de l’emploi alors que, jusque-là, il fallait d’abord présenter une demande à ce service, ce qui repoussait toute action sur le terrain.» Les inspecteurs de l’Etat seront en plus dotés de compétences judiciaires et recevront une formation spécifique. Leurs dossiers permettront d’agir pénalement. «Leurs rapports deviendront des preuves et ne seront plus considérés comme de simples témoignages. C’est l’entreprise suspectée qui devra démontrer que les faits sont faux, alors que jusque-là, c’était aux inspecteurs de prouver les infractions», informe le syndicaliste. Les préfets auront, eux aussi, la possibilité de fermer un chantier ou de suspendre l’activité d’une société.

Grosses amendes

Des sanctions dissuasives viennent couronner ces mesures. Il y a d’abord l’exclusion de la société fautive des futurs marchés publics. Puis l’imposition d’amendes à l’encontre de cette dernière ou, en cas de sous-traitance avérée, contre l’entreprise contractante. Soit une application concrète de la responsabilité solidaire. Les amendes pourront s’élever jusqu’à 20% du prix final de l’offre en cas de marché public, et jusqu’à un million de francs dans les autres cas.
Outre les entreprises et les maîtres d’ouvrage, les nouvelles mesures, et les amendes, toucheront aussi les personnes qui confieraient des travaux directement à des travailleurs sans passer par une société, à l’exemple d’un patron de restaurant qui engagerait des ouvriers pour des travaux de rénovation dans son établissement.
Une commission spéciale dévolue à la lutte contre le travail au noir sera constituée et un coordinateur engagé à plein temps par l’Etat. La loi modifiée entrera en vigueur le 1er janvier 2020, mais le règlement d’application est encore attendu. Il sera soumis à consultation auprès des partenaires sociaux.

Moyens en personnel attendus

Armand Jaquier se dit confiant dans les effets de cette nouvelle loi, qui ne sera pas un «tigre de papier» comme il le craignait encore au début de l’été. Des amendements au projet ont ainsi été acceptés par le Parlement. «Je suis convaincu que le règlement permettra d’agir enfin contre le travail au noir. Le point à renforcer encore fortement est celui des moyens en personnel. Face à l’ampleur du phénomène, le nombre actuel d’inspecteurs financés par l’Etat, soit 1,2 équivalent plein temps pour les branches de la construction, est très insuffisant. Compte tenu du débat et de la détermination exprimée par le Grand Conseil, il est nécessaire maintenant de se doter des forces supplémentaires nécessaires pour lutter contre ce fléau.» Il se félicite aussi du rôle de pionnier du canton de Fribourg. «A ma connaissance, il n’existe pas d’autres cantons en Suisse s’étant donné les moyens légaux d’agir aussi fortement contre le travail au noir.»

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