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Grandes fortunes et CO2

Demain s’ouvrira la COP28. Elle se déroulera jusqu’au 12 décembre. Depuis 28 ans, la Conférence des parties ou «Conference of the Parties» (COP), mise en place par une Convention des Nations unies sur les changements climatiques, réunit les Etats de la planète. Ces derniers, alertés par le Groupe d’experts sur l’évolution du climat en 1990 déjà, se mettent à son chevet pour fixer des objectifs mondiaux en vue de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, éléments centraux du réchauffement climatique. En 2015 à Paris, un accord avait été conclu pour contenir ce réchauffement en-dessous de 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, avec comme but de le limiter à 1,5 °C.

Cette 28e COP se tiendra à Dubaï, ville des Emirats arabes unis. Un pays dont 55% du budget provient des hydrocarbures et qui occupe le 6e rang des pays les plus émetteurs de CO2. La présidence de la COP a été confiée au… ministre de l’Industrie et des Technologies avancées, qui est aussi le grand patron de la puissante compagnie pétrolière nationale, le Sultan Al Jaber. Pour la sortie des hydrocarbures, on aurait pu faire mieux. Ce PDG, également actif dans le renouvelable, est un fervent défenseur d’une politique climatique incluant le pétrole et le gaz, sources de profits mirobolants. Il le dit lui-même: «Développement économique et responsabilité climatique ne sont pas nécessairement incompatibles. Bien sûr, il faut éviter les excès, mais il est inenvisageable que la limitation des émissions se fasse au détriment de la croissance économique.» Dans sa tribune parue en début d’année dans l’hebdomadaire français Le Journal du Dimanche, il expliquait encore que la transition verte entraînerait une production de richesse de l’ordre de 12 trillions de dollars. Un joli paquet de milliards…

La tenue de la COP28 à Dubaï, qui compte quelques-unes des plus grandes fortunes mondiales, éclaire sur l’hypocrisie d’un système prétendument mis sur pied pour préserver la planète. Les détenteurs de ces fortunes, aux Emirats et ailleurs, émettent des quantités énormes de CO2, que ce soit en raison de leur utilisation de jets privés ou, surtout, de leurs investissements dans les industries polluantes. Comme l’illustre le dernier rapport de l’ONG Oxfam, le 1% des plus riches émettent autant de CO2 que les deux tiers de la population mondiale. Les émissions des grandes fortunes devraient provoquer 1,3 million de morts supplémentaires dus à la chaleur. L’ONG souligne encore que les pays les plus marqués par les inégalités subissent sept fois plus de décès provoqués par les inondations. Autres chiffres sortis du rapport d’Oxfam intitulé Egalité climatique: une planète pour les 99%: le 1% des plus riches ont généré plus d’émissions carbones que l’ensemble des voitures et du transport routier; 10% des plus riches sont responsables de la moitié des émissions mondiales. Et pour une personne appartenant aux 99% restants de l’humanité, il lui faudrait vivre 1500 ans pour engendrer autant de CO2 que les plus grandes fortunes en une année… L’an passé, Oxfam indiquait qu’un milliardaire émettait un million de fois plus d’émissions de gaz à effet de serre qu’un citoyen ordinaire. De quoi donner à réfléchir.

A l’approche du grand raout intergouvernemental sur le climat, Oxfam propose de taxer les ultra-riches dans le but de lutter contre les inégalités sociales et les changements climatiques. Selon l'ONG, cette imposition permettrait aux gouvernements d’investir dans les services publics afin d’apporter une réponse aux inégalités et de réaliser les objectifs en faveur de l’environnement. Une telle taxe pourrait en effet rapporter gros aux Etats. Mais n’est-ce pas là offrir sur un plateau d’argent des permis de polluer à ces milliardaires n’ayant que le profit pour horizon? A méditer.