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Grève des femmes, le retour!

Assises nationales du 14 juin à Fribourg.
© Olivier Vogelsang

Discussions, moments d’échanges et de partages, les Assises nationales de la Grève féministe ont réuni quelque 250 personnes samedi passé dans la salle de concert Fri-Son à Fribourg.

L’Appel à la Grève féministe du 14 juin 2023 a été finalisé et adopté samedi dernier lors d’Assises nationales tenues à Fribourg. Les quelque 250 femmes et personnes queer venues de toute la Suisse ont défini les dix revendications qu’elles porteront à cette occasion. Objectif: une journée de mobilisation exceptionnelle en juin

Samedi 4 mars, quelque 250 femmes et personnes queer de toute la Suisse ont pris la direction de Fribourg pour participer aux Assises nationales de la Grève féministe. Le 14 juin en ligne de mire, elles avaient pour mission de finaliser un Appel à la grève déjà bien façonné par les assemblées romandes et suisses alémaniques tenue en ce début d’année.

Dans la salle de concerts Fri-Son, l’ambiance a déjà de petits airs de fête. Une rétrospective en photos, en chansons et tout en émotions de la mobilisation de 2019 ouvrent les feux. S’ensuit la discussion point par point de l’Appel. Les échanges, confidentiels, montrent un mouvement plein de maturité, quatre ans après la Grève de 2019 qui a servi de révélation ou de renouveau des aspirations féministes. Reste que, si le mouvement a pris de l’ampleur dans les têtes et les médias, que le mariage pour toutes et tous et le congé paternité ont été acceptés dans les urnes, aucune avancée significative ne s’est traduite dans la politique institutionnelle ou dans les conditions de travail.

Appel national

Après plusieurs heures de débat, puis une présentation par les différents collectifs des actions prévues le 8 mars et le 14 juin, l’Appel final est lu par plusieurs femmes et en plusieurs langues, entre silence attentif, applaudissements et cris de joie et de lutte à la fin de chaque intervention. Chaque thème est dense. Dans son introduction, le manifeste souligne: «La Grève féministe continue à porter un féminisme intersectionnel, inclusif et de lutte des classes. En tant que mouvement national, elle porte plusieurs revendications concrètes, urgentes et nécessaires pour promouvoir un changement du système patriarcal et capitaliste. Le 14 juin, chaque personne, groupe, collectif participant à la mobilisation y portera ses propres revendications, à l’image de celles que nous portons depuis 2019.»

Les dix revendications principales peuvent se résumer ainsi: la réduction généralisée du temps de travail sans diminution de salaire; le renforcement de l’AVS et l’abolition du système de retraite des trois piliers pour un seul; des mesures de lutte à l'échelle nationale contre les violences sexistes et sexuelles; un congé parental d’au moins un an par personne et par enfant; l’abolition du système d’assurances maladie privé, la création d’une caisse unique et la prise en charge de la santé reproductive et sexuelle; un plan national de lutte et des ressources contre les discriminations racistes (islamophobes, anti-Noir, antisémites, asiophobes, antitsiganistes), xénophobes, queerphobes, validistes et grossophobes; l’asile pour les femmes et les personnes queer contraintes de fuir leur pays en raison de violences sexistes et sexuelles, ainsi qu’une régularisation des personnes sans papiers et un droit du sol; un plan d’action national et des mesures pour le climat et l’environnement; l’ancrage du féminisme intersectionnel dans la formation et l’éducation; l’inscription du droit à l'avortement dans la Constitution.

Des ateliers pour préparer la grève

Après la lecture de l’Appel, des slogans et une chanson militante, différents ateliers ont été organisés sur la grève dans la sphère privée, le monde du travail ou de la consommation, sur les lieux de formation, sur le travail reproductif et sur les slogans. Dans l’atelier «grève au travail», de nombreuses secrétaires syndicales sont présentes et rappellent les règles pour que la grève, au sens premier du terme, ne mette pas en danger les travailleuses. Elles invitent à la définition, avec les syndicats, de cahiers de revendications précises sur des conditions de travail spécifiques à transmettre au employeurs et aux employeuses. «Il est important de ne pas agir seule, de se fédérer sur les lieux de travail, explique Catherine. La meilleure protection est d’être nombreuses, et soutenues par un syndicat, ce critère étant l’un de ceux nécessaires pour que la grève soit licite».

Témoignages

Jacline, 68 ans, Grève féministe Vaud

«A la fin des années 1960, adolescente, je râlais beaucoup à l’école sur les inégalités, notamment au sujet du droit de vote qui excluait toujours les femmes. La dépénalisation de l’avortement qu’on a perdu en votation en 1977 est restée un thème très important pour moi. J’ai participé à la grève de 1991, mais mère de deux petites filles, je ne me suis pas autant engagée qu’en 2019. Depuis j’y mets toute mon énergie. C’est un changement de société qui s’ouvre et son champ est vaste. Je me rends compte qu’en tant que blanche, hétéro qui n’a pas subi d’agression, je dois me décentrer pour comprendre d’autres réalités. On n’arrête pas de se poser de nouvelles questions, et de grandir. La votation sur AVS 21 a réveillé des femmes, qui nous rejoignent. Résister pour se sentir vivante!»


Saoussen, 32 ans, Collectif des foulards violets Neuchâtel

Par rapport à 2019, nous sommes davantage écoutées, nos expériences négatives mieux reconnues. Mais on est encore, en Suisse, aux balbutiements du féminisme intersectionnel. La parole des personnes concernées est souvent traduite par celles qui ne vivent pas leurs expériences négatives. Cela ne vient pas d’une mauvaise intention, mais de la croyance qu’on sait mieux. C’est le phénomène du whitesplaining. Comme lorsque la femme s’exprime et que l’homme réexplique derrière avec son propre point de vue.


Esther, 40 ans, Collectif féministe Genève

Personnellement, je serai féministe tant qu’il le faudra! Toutes nos revendications sont importantes, sans être exhaustives. Car, sur chaque thème, on peut creuser et aller plus loin pour faire émerger de nouvelles demandes. Cela permet de visibiliser des situations qu’on ne voyait même pas avant, de déconstruire et de mettre des mots sur ce qu’on vit. Quand on parle des salaires égaux ou de l’AVS, on doit penser aussi aux femmes qui n’ont pas de salaire, ni de droit à une retraite du fait de leur statut. J’ai fait des études genre. Lors de ma première séance des Assises romandes, j’avais mes outils théoriques, mais, depuis, le mouvement nourrit mes réflexions et mes connaissances. Il les matérialise. J’ai repris des études en environnement. La convergence des luttes avec la Grève du climat ou le mouvement Black lives matter est essentielle.


Marie-Jo, 77 ans, Genève, hors collectif

Je suis venue prendre la température. Je suis impressionnée par le saut qualitatif des échanges et les progrès réalisés. Dans les années 1970, tout était très chaotique et brouillon. Il y avait toujours beaucoup d’engueulades, car on devait régler notre ras-le-bol émotionnel. Aujourd’hui, les discussions sont plus structurées même si la rage et l’engagement sont sous-jacents. Le féminisme a vécu des vagues, des hauts et des bas. J’ai beaucoup milité sur les questions du care, les droits des prostituées, et du féminisme international. Ce que vivent les Iraniennes me touche beaucoup, ainsi que Pinar Selek sous mandat d’arrêt international. Je suis atterrée.


Arame, 33 ans, Grève féministe Fribourg

Je suis féministe depuis toujours, de mère en fille. Je m’inscris en tant que personne racisée dans un féminisme intersectionnel antiraciste. Toutes les revendications sont hyper importantes, mais le mouvement est encore trop homogène, blanc et de classe moyenne. Il est important pour nous, comme pour tout le monde, qu’on soit toutes intégrées, et donc de nous nommer pour nous rendre visibles. Une personne qui n’a pas le vécu, n’a pas forcément les mots pour le définir.


Julie, 30 ans, Fribourg, hors collectif

Je ne fais pas partie d’un collectif, mais je suis venue pour participer et mieux comprendre le processus. C’est intéressant de se pencher sur chaque terme et comprendre ce qu’il véhicule. Je compte faire grève au travail. Il s’agit de la préparer en amont pour rassembler le plus de personnes. Je travaille dans le secteur social. Ce qui me frappe le plus, c’est la répartition des rôles: tous nos chefs sont des hommes. Le 14 juin 2019 a été incroyable. Il faut donc tout faire pour qu’il y ait à nouveau le plus de monde possible dans les rues.

Davantage d’informations sur:
grevefeministe.ch
unia.ch

Brochure sur le droit de grève: grevefeministe-ge.ch

Boîte à outils: grevefeministene.com

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