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Halte aux abus patronaux et aux licenciements antisyndicaux

Plus de 1500 personnes ont manifesté samedi dans les rues genevoises dénonçant les abus patronaux

Répondant à l'appel des syndicats, quelque 1500 personnes ont manifesté samedi dernier à Genève. Ces dernières se sont mobilisées pour protester contre les abus patronaux et les pressions sur les salaires. Le rassemblement avait aussi pour objectif de dénoncer les licenciements antisyndicaux. Et permis, aux mouvements actifs dans l'asile, d'inviter les participants, à la veille de la votation en la matière le 9 juin, de rejeter les nouveaux durcissements préconisés.

«Salaires sacrifiés, emplois mutilés, ça va péter...» Répondant à l'appel des syndicats, quelque 1500 personnes ont manifesté samedi dernier dans les rues genevoises. Sous le mot d'ordre «Halte aux abus patronaux!», les protestataires ont dénoncé en vrac les pressions sur les salaires, via notamment les menaces de chômage et de licenciements, le fossé toujours plus profond entre pauvres et riches ou encore les frondes contre les travailleurs étrangers. «Ce ne sont pas les frontaliers, ce ne sont pas les immigrés, c'est le capitalisme qui ruine la société» scandaient régulièrement les protestataires. Un thème évoqué dans le discours d'ouverture de la manifestation prononcé à la place Neuve par Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d'Unia Genève. «Il nous faut protéger les salaires, pas les frontières», a-t-il insisté. Et de dénoncer l'absence de contrôles dans les entreprises en Suisse, avec seulement 6% d'entre elles ayant fait l'objet d'une visite et un tiers d'infractions sanctionnées. Alors qu'en «2012, le taux d'infractions dans les secteurs sous convention collective de travail est passé de 35% à 42%».

Criminalisation des étrangers
Faisant référence à l'activation de la clause de sauvegarde pour les ressortissants de l'Union européenne en réintroduisant, une année durant, le principe du contingentement, le syndicaliste a déclaré: «Le message du Conseil fédéral est clair. La Suisse n'est pas un îlot aussi protégé que cela. Il y a une forte pression sur les salaires.» Et Alessandro Pelizzari de relever l'accentuation des écarts entre revenus avec un appauvrissement des couches les plus défavorisées de la population qui a augmenté de 15% à 18% entre 2000 et 2012, soit 55000 personnes en plus, la baisse du salaire médian à Genève, une absence quasi totale de hausses salariales en dépit de l'augmentation du coût de la vie, l'effondrement des salaires d'embauche dans certaines branches, des chaînes de sous-traitance «qui s'apparentent à des formes modernes d'esclavage»... Autant de situations alimentant les tensions sociales. «Avec la fermeture partielle des frontières, le Conseil fédéral pointe du doigt le responsable: il est à chercher du côté de l'immigré.» Et le secrétaire syndical de fustiger cette politique du bouc émissaire qui stigmatise l'immigration «pour mieux couvrir le patronat». «D'autres réponses sont à trouver que celles de la criminalisation des étrangers et de la division entre salariés.» Parmi celles-ci, la lutte pour le salaire minimum à 4000 francs, celle pour le renforcement du contrôle des entreprises et de la protection des travailleurs contre les licenciements.

Du vol...
De son côté, Manuela Cattani, cosecrétaire générale du SIT a insisté sur l'absence de redistribution des richesses créées. «Ceci s'appelle un vol... Pour parvenir au vol des richesses créées, les patrons démantèlent les unes après les autres les rares protections que nous avions. Et ceci s'appelle de la casse... C'est la précarité qui se généralise et Genève est à la pointe.» L'explosion du travail intérimaire, les abus en matière de sous-traitance, les stages peu ou non rémunérés, la sous-enchère salariale, le laminage des assurances sociales... ont alimenté le discours tenu par la syndicaliste avant l'intervention de Marc Aurel, porte-parole de la coordination pour l'asile Stop Exclusion. Ce dernier a fustigé les nouveaux tours de vis souhaités par les autorités en matière d'asile, attribués à de la «pure xénophobie, sous prétexte de lutter contre la criminalité et d'accélérer les procédures».

Indigne d'un état de droit
Au son des tambours, sifflets et musique, coloré de drapeaux et calicots revendicatifs, le cortège a ensuite gagné la place du Molard, point de rencontre avec une autre manifestation contre les licenciements antisyndicaux. Ensemble, les protestataires ont gagné la place des Nations où plusieurs orateurs se sont succédé pour réclamer davantage de protection en faveur des délégués du personnel. Parmi eux, Catherine et Sabine, deux des vingt-deux grévistes de l'hôpital neuchâtelois de la Providence, tous licenciés en février dernier en raison de leur engagement pour la défense de leurs conditions de travail. Revenant sur les événements, le duo a demandé une réintégration des personnes congédiées et réclamé le respect des droits syndicaux. «Cette situation est indigne d'un état de droit... Si les licenciements ne sont pas annulés, elle créera un grave précédent...» Vice-présidente de l'Union syndicale suisse (USS) et coprésidente d'Unia, Vania Alleva a elle aussi exigé davantage de respect pour les droits des travailleurs. Et invité le Conseil fédéral à faire en sorte que les conventions de l'Organisation internationale du travail contre les licenciements antisyndicaux soient appliquées. Une «urgence» alors que la pression ne cesse de croître sur les conditions de travail. «Des mesures contraignantes doivent être prises...» En dépit des recommandations de l'OIT, la Suisse n'a toujours pas modifié sa législation en faveur de la réintégration de syndicalistes arbitrairement licenciés. «Dans ce contexte, l'USS a, l'automne dernier, réactivé sa plainte en la matière. Le Code des obligations est absolument insuffisant et le système de partenariat social mis en cause...» Les protestataires ont aussi adopté une résolution à l'adresse de l'assemblée des délégués de l'USS et de l'ensemble du mouvement syndical réclamant le lancement d'une initiative populaire fédérale qui exige: des plans de sauvegarde des emplois en cas de licenciement économique, l'interdiction des licenciements antisyndicaux et une protection plus efficace des salariés contre l'arbitraire patronal.


Témoignages

Sandra, éducatrice de l'enfance, 45 ans, syndiquée au SIT
«Je manifeste contre la décision prise par le Grand Conseil d'augmenter le nombre d'enfants par éducateur. Actuellement, dans mon travail, il y a un adulte pour 8 enfants de 3 à 4 ans. Avec les nouvelles normes, on passera à 1 pour 10. Or, nous n'arrivons déjà pas à répondre à tous les besoins. On fait payer aux enfants. C'est moche.»

Peter, membre d'Uniterre et des Verts transfrontaliers, 55 ans
«Je représente les Verts transfrontaliers en particulier. On assiste à une distorsion sur le marché de l'emploi. Ma lutte porte contre la sous-enchère salariale et la préférence nationale cantonaliste. Seules comptent les compétences d'une personne. Pas son domicile. Ces discriminations sont inadmissibles. L'utilité de manifester? Si on n'affiche pas ses opinions, on ne fait en tout cas pas avancer les choses. Il est important que nous tirions tous à la même corde, syndicats, partis et mouvements civils.»

Marie-Claire, 41 ans, juriste au Centre social protestant et membre de la coordination de Stop Exclusion
«Je me bats contre les nouveaux durcissements préconisés dans la loi sur l'asile soumise en votation le 9 juin. C'est une rupture de la tradition humanitaire suisse que Stop Exclusion va illustrer symboliquement en demandant à un huissier de remettre les clefs de Genève, ville prison, à Henri Dunand, fondateur de la Croix-Rouge. Cette action fait allusion au projet de créer, dans la cité de Calvin, un centre de détention pour les requérants d'asile récalcitrants.»

Douglas, 65 ans, comédien, naturalisé suisse, natif de Los Angeles
«J'aime les gens. La vie. Je crois en la justice sociale. Ce qui se passe actuellement est totalement immoral. Aujourd'hui, même les bourgeois descendent dans la rue. La problématique touche tout le monde, sauf les très riches. Je n'ai rien contre eux mais je partage les revendications des manifestants. J'ai moi aussi ramé pendant des années pour m'en sortir financièrement et obtenir des papiers. J'ai goûté à la soupe amère. Le système helvétique est intelligent mais il faut prendre garde à maintenir les acquis sociaux.»

Sonya Mermoud