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Horlogerie: licenciement antisyndical devant les Prud’hommes

Mickaël Béday avant la première audience.
© Thierry Porchet

Jeudi dernier, Mickaël Béday a été soutenu par des syndicalistes et des collègues du comité horloger de la vallée de Joux avant la première audience du procès aux Prud’hommes. 

Le jeune horloger d’Unia licencié l’année dernière par Dubois Dépraz à la vallée de Joux s’est retrouvé face à son employeur jeudi. Une longue audience, qui n’a pas encore abordé le cœur du problème

Plus d’un an après le congé brutal donné par l’entreprise Dubois Dépraz au jeune horloger et délégué syndical Mickaël Béday, en juin 2019, s’est ouvert le procès devant le Tribunal des prud’hommes pour licenciement abusif. Jeudi dernier, peu avant l’audience, une vingtaine de syndicalistes d’Unia, d’autres syndicats et des membres du comité horloger de la vallée de Joux s’étaient rassemblés devant les portes du Tribunal d’arrondissement du Nord vaudois à Yverdon-les-Bains pour apporter leur soutien au jeune délégué. A l’intérieur de la salle, d’où le public était absent en raison du coronavirus, Mickaël Béday et son avocat, Me Nicolas Mattenberger, faisaient face au patron de l’entreprise, Pierre Dubois, et au directeur industriel Raphaël Ackermann, tous deux représentant l’employeur, accompagnés de leur conseil Me David Moinat.

Six témoins devaient être entendus, mais seuls cinq étaient présents. Le sixième, excusé, est une personne clé dans ce procès qui devra déterminer s’il y a eu licenciement antisyndical ou non. Il s’agit de la syndicaliste d’Unia ayant secondé Mickaël Béday dans ses démarches de délégué au sein de l’entreprise. Elle témoignera lors d’une audience qui reste à fixer. C’est donc essentiellement sur les reproches avancés par la direction pour congédier le délégué syndical qu’a porté cette première séance, une audience fleuve ayant duré plus de cinq heures!

Inadvertance ou faute grave?

Revenons sur ce qui s’est passé l’année dernière. Le 24 juin, en fin de journée, Mickaël Béday se fait signifier son licenciement immédiat, la direction l’accusant de faute grave. Il est raccompagné par un de ses chefs à la porte de l’entreprise, alors que tous les travailleurs sont déjà partis. Délégué syndical d’Unia depuis janvier 2017, il avait défendu ses collègues, notamment en octobre 2018 pour que les règles sur les heures supplémentaires de la Convention horlogère, dont l’entreprise est signataire, soient respectées. Puis en mars 2019, où il avait obtenu que les heures non travaillées durant un déménagement soient payées aux collaborateurs. Deux mois plus tard, il reçoit un avertissement pour un «bavardage» et un oubli de timbrage. Le mois suivant, c’est le licenciement, l’entreprise s’appuyant sur des pièces revenues d’un contrôle, dont la retouche aurait été contestée et non effectuée par l’horloger. La direction accuse l’horloger d’avoir intentionnellement indiqué que les pièces ont été retouchées, par l’inversion de post-it. Une «inadvertance», soulignera l’avocat de Mickaël Béday devant le juge des Prud’hommes. Une «faute inacceptable pour l’employeur», répondra l’avocat de l’entreprise, tout en déclarant qu’il n’avait «pas commis de faute atroce».

C’est à la définition de cette «faute» qu’ont été consacrées les cinq heures de la première audience. Le directeur industriel de Dubois Dépraz a d’abord expliqué par le menu détail au président du tribunal le fonctionnement du contrôle des assemblages des calibres, effectué à de nombreuses étapes de la fabrication dans l’entreprise. Soucieux de la réputation de sa société, Pierre Dubois a quant à lui reconnu qu’une pièce défectueuse pouvait arriver chez le client. Mais que cela n’avait jamais abouti au renvoi de l’employé responsable. Les témoins ont ensuite passé en revue les modes de travail.

Contrôles des pièces permanents

Une collègue d’atelier de Mickaël Béday, confirmant également son activité syndicale, a expliqué les allers-retours des pièces au contrôle interne à l’atelier d’abord, puis externe. Elle a parlé des efforts de concentration pour éviter les erreurs, l’interprétation de celles-ci qui peuvent être sujettes à caution, ainsi que cette fatigue en fin de journée empêchant parfois de les voir. «Il m’est même arrivé de laisser une pièce une nuit pour avoir les yeux moins fatigués. Un œil du matin voit mieux.» Une horlogère d’Audemars Piguet a aussi évoqué les nombreuses étapes de vérification dans son entreprise, très différentes de chez Dubois Dépraz. Se sont ensuite succédé les trois témoins de l’entreprise: le responsable de l’horlogerie, son chef adjoint et technicien, ainsi que le «décotteur» de l’atelier, chargé de vérifier les pièces et de signaler les défauts à l’opérateur avant qu’elles ne partent au contrôle externe. Des témoignages bien huilés, appuyant l’interprétation de la direction sur les erreurs reprochées à l’horloger. Mais ces témoins ne seront pas interrogés sur les raisons qui, alors que les défauts font partie intégrante du métier, les ont poussés à alerter la hiérarchie plutôt que d’en chercher la cause avec le principal intéressé.

Après cette partie très technique, c’est au cœur du problème que devront se plonger les juges du tribunal, avec l’activité syndicale menée par l’horloger délégué. Une question cruciale qui leur permettra de se déterminer sur l’aspect antisyndical et abusif du licenciement de Mickaël Béday. L’année dernière, une manifestation de plus de cent syndicalistes, parmi lesquels le président de l’Union syndicale suisse, Pierre-Yves Maillard, s’était tenue devant l’entreprise pour protester contre ce licenciement et exiger la réintégration du jeune horloger. Une exigence relayée dans une pétition contresignée par plus de 1600 personnes, déposée auprès de la direction et qui est restée lettre morte. L’affaire se poursuivra donc devant la justice. A suivre.

Voir aussi les éditions de L’Evénement syndical du 17 juillet et du 11 septembre 2019.

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