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«Il était clair que je devais rester chez moi»

Photo prétexte: un homme désespéré.
© Neil Labrador/image prétexte

Sur recommandation de son médecin, Michel, qui souffre d’asthme, a choisi de rester à domicile pour effectuer son travail et s’est organisé en conséquence. C’était sans compter sur le refus de son employeur, qui lui a signifié son licenciement. 

Appartenant au groupe des personnes à risque face au Covid-19, Michel* a opté pour le télétravail. Son entreprise l’a licencié. Témoignage

Si la solidarité dans le contexte de pandémie de coronavirus n’aura jamais été aussi nécessaire, Michel*, 36 ans, n’en a pas bénéficié. Conseiller en personnel dans une petite agence de placement, l’homme a été remercié pour avoir tenu tête à son chef, opposé à ce qu’il fasse du télétravail. Retour sur ces dernières semaines... «Je suis asthmatiquedepuis l’âge de 6 ans, témoigne le trentenaire. Ce problème de santé n’a jamais, jusqu’à aujourd’hui, porté préjudice à mon activité professionnelle. Mais, avec la crise sanitaire, sur recommandation de mon médecin qui m’a délivré un certificat et m’a conseillé de rester à l’abri, et aussi compte tenu des inquiétudes de mon épouse, j’ai demandé à travailler à la maison.» Une proposition balayée par son responsable quand bien même il avait opté pour la fermeture de l’entreprise au public deux semaines déjà avant la mise en œuvre des premières mesures de confinement du gouvernement, le 16 mars dernier. «C’était une bonne décision», estime Michel, qui a été d’autant plus étonnépar la réaction de son supérieur. «Le Conseil fédéral (CF) a demandé à toutes les personnes qui le pouvaient de privilégier le travail à domicile. Au regard de ma vulnérabilité, il était clair que je devais rester chez moi. J’ai donc malgré tout rassemblé le 16 mars mes affaires et organisé mon activité pour pouvoir la poursuivre à la maison.» 

Deux sommations plus tard

Son poste de travail opérationnel, Michel s’attaque à ses dossiers. En fin de matinée, il a besoin d’une information de son patron et lui envoie un courrier électronique. La réponse lui fait l’effet d’une douche froide: il doit revenir sur-le-champ à l’agence sous peine de voir son salaire retenu. L’employé tente alors de convaincre son chef du bien-fondé de sa décision, sachant que son travail n’exige pas une présence au bureau, que, selon son médecin, il est préférable qu’il se tienne à distance. Dans cette logique, il a aussi pris les devants et organisé l’installation d’une ligne professionnelle. Et résiste aux injonctions de son patron. Résultat: ce dernier vient récupérer les dossiers à son domicile, ne partage plus avec lui les informations nécessaires à sa fonction et lui coupe son accès e-mail. «J’ai ensuite reçu une sommation par poste où il arguait qu’il était en droit d’exiger mon retour, que les règles sécuritaires étaient appliquées. C’est vrai, mais il y avait aussi la question des trajets et, encore une fois, le CF répétait en boucle que le télétravail devait être favorisé.» Dans ce contexte, le conseiller en personnel prend contact avec Unia et envoie une lettre recommandée à son chef pour expliquer une nouvelle fois sa position. Pour toute réponse, il reçoit une seconde sommation. A noter que le salarié était, dès le début du processus, mis au chômage partiel à 90%.«Le responsable exigeait que je travaille tous les matins de 8h à 9h au bureau et, le vendredi, de 8h à 8h20!» Quoi qu’il en soit, le syndicat estimant faibles les chances de Michel de gagner devant les Prud’hommes, il lui conseille de se présenter à l’agence pour éviter un licenciement qui serait motivé alors par un abandon de poste préjudiciable. 

«Mon patron n’est pas médecin»

«J’y suis allé, avec un masque et des gants. Quand je suis arrivé au bureau,ma lettre de congé était prête pour le 31 mai, conformément au délai. Et j’ai été libéré de mes fonctions avec effet immédiat.» Une issue qui n’a pas vraiment surpris Michel en raison, précise-t-il, de son expérience du monde professionnel protégeant surtout les employeurs... «Et puis, j’ai fait mes choix. J’ai préféré risquer de perdre mon poste plutôt que de voir ma santé menacée ou de contribuer à la contagion, même si je ne fais pas partie des travailleurs œuvrant en première ligne. C’est aussi une question de principe. J’estime que, légalement, j’étais dans mon bon droit. Mon patron a été vexé que je lui tienne tête. Il s’est désintéressé de ma vulnérabilité. Mais il n’est pas médecin», commente Michel qui ne s’engagera toutefois pas dans la poursuite de ce combat, préférant désormais consacrer son temps et son énergie à la recherche d’un autre emploi. «Malheureusement, aujourd’hui, personne n’est à l’abri de perdre son travail. Bien sûr, je ne suis pas content de cette situation», ajoute Michel qui, bien que pragmatique, craint aussi que cette rupture de travail ne nuise à ses prochaines recherches en la matière. 

A noter que toutes les personnes qui seraient confrontées à une situation semblable à celle de Michel sont invitées à prendre contact avec Unia pour connaître leurs droits, chaque cas se révélant spécifique.

*Prénom d’emprunt.

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