Unia Valais affiche une croissance de 4,2% de ses effectifs en 2023. Comment s’y prennent les syndicalistes du Vieux-Pays pour recruter de nouveaux adhérents? Reportage à Monthey
C’est le Valais qui, de toutes les régions d’Unia, affiche les meilleurs résultats dans le recrutement de nouveaux membres (lire ci-dessous). En 2023, Unia Valais a enregistré 1942 adhésions et une croissance de 4,2%. Comment les syndicalistes du Vieux-Pays s’y prennent-ils? Ont-ils des secrets? L’Evénement syndicals’est rendu à Monthey, dans le Chablais, pour tenter d’en savoir plus.
Rencontre avec le secrétaire syndical Pedro Neves. Ce Portugais, prof de géo, est installé dans notre pays depuis 2008. «A l’époque, c’était la crise et la mère de ma copine, qui vivait en Suisse, nous a invités à venir.» Le jeune homme commence par travailler comme serveur dans un hôtel de Kandersteg. «Je ne peux pas dire qu’en arrivant j’ai eu le coup de foudre pour la Suisse… Moi, je viens du Sud, j’habitais au bord de l’océan, alors ce froid… Mais à force, j’ai appris à aimer la rigueur et la sécurité qu’offre le pays», confie-t-il, en nous invitant à monter dans sa voiture.
Un travail d’équipe
«Quatre jours sur cinq, nous sommes sur le terrain. L’hiver, nous nous rendons dans les entreprises actives en intérieur et, dès mi-février, commencent les visites de chantiers.» Le travail ne manque pas, en traversant le chef-lieu du Chablais valaisan, on aperçoit de nombreuses grues se détachant sur fond de cimes enneigées. D’habitude, Pedro Neves effectue ces visites en binôme, mais ce jour-là ses collègues sont en congé. «C’est un travail d’équipe, certains secrétaires syndicaux sont à l’aise avec les adhésions, tandis que d’autres préfèrent le suivi des dossiers. C’est un travail de visibilité, il faut être sur place, passer et repasser, et, au bout d’un certain temps, les gens adhèrent. Il y a des jours sans adhésion et d’autres où on en comptabilise quatre. L’important est de marquer sa présence», explique-t-il, en garant son véhicule devant un home en construction.
Des paysagistes sont en train de planter des arbustes. Pedro Neves leur distribue des gants de travail aux couleurs d’Unia. Deux d’entre eux sont membres des syndicats chrétiens. «Le problème, c’est que nous sommes payés à l’heure et, l’hiver, nous sommes au chômage en janvier et en février», dit l’un d’eux. Pedro Neves écoute et plaide gentiment pour Unia: «Il faut se faire entendre, sinon on n’obtient rien. Il faut donner de la force à un syndicat combatif en nous rejoignant.»
Polyglotte
«Nous sommes en concurrence avec les syndicats chrétiens, ce n’est pas facile dans la mesure où nos cotisations sont plus élevées que les leurs, mais, pour le reste, nous sommes meilleurs. Ce n’est pas forcément mauvais, cela nous oblige à être bons», indique Pedro Neves, s’aventurant dans un no man's land s’étendant autour des bâtiments en construction.
Voilà un jeune maçon kosovar. Après quelques minutes de discussions, le syndicaliste lui fait signer un bulletin d’adhésion. Autour, d’autres maçons, syndiqués Unia, Pedro Neves les aborde en portugais.
«Parler portugais est un avantage, je comprends aussi l’espagnol et l’italien, ça rapproche des gens. J’écoute beaucoup les travailleurs, ils me parlent de leur famille ou de foot… S’ils ont un problème, j’essaie de les aider.»
L’escalier n’est pas encore construit et il faut grimper pour entrer dans un bâtiment. Perceuses-visseuses en main, des menuisiers travaillent sur des panneaux, des encadrements de portes et des portes-fenêtres. Sourire aux lèvres, Pedro Neves désigne l’un d’eux: «Nous avions convenu que, si on obtenait une augmentation, il changerait de syndicat…» Bon joueur, le salarié opine. Vis-à-vis de la concurrence, Unia a l’avantage d’être un syndicat national et signataire de conventions collectives. «Notre employeur a fait une réunion pour nous dire que nous serions augmentés de 70 centimes, lance un menuisier. Nous lui avons répondu qu’il serait plus simple pour la comptabilité d’arrondir à 1 franc… Il n’a pas voulu…» Rires.
«Tu ne peux pas faire ce job sans réseau»
«Est-ce qu’il y a des nouveaux dans votre entreprise?», questionne Pedro Neves à la ronde. Non, ici, tout le monde est syndiqué. «Je demande souvent aux syndiqués de m’aider à aborder leurs collègues, parfois ce sont eux qui font les adhésions», ajoute le syndicaliste.
Descente au sous-sol. Odeur de béton. Dans les halos des lampes de chantier, des électriciens tricotent des fils. «Je suis chef de chantier, je ne vais pas me plaindre, mais nous sommes quand même les plus mal payés du bâtiment, il y a quelque chose qui ne va pas», râle un électro, délégué syndical d’Unia. Pedro Neves en convient et échange quelques mots tout en continuant à distribuer des gants. «Il y a des régions où chaque secteur a un responsable, ici on fait tout, cela nous oblige à avoir des connaissances dans toutes les branches», précise-t-il.
Retour en ville et débriefing sur une terrasse autour d’un panaché. Bilan de la journée pour Pedro Neves: deux adhésions. «Nous disposons d’une certaine liberté pour gérer notre travail et je trouve ça super. Souvent, nous faisons du recrutement à la pause de 9h ou à celle de midi, dans les cafés ou les stations-services, les travailleurs sont alors moins sous pression et plus disponibles. Et puis, ce job, si tu n’as pas de réseau, tu ne peux pas le faire. J’ai quand même quelques membres que je peux considérer comme des amis. On m’appelle régulièrement pour me prévenir lorsqu’il y a un nouveau collègue à syndiquer dans une entreprise. C’est important de pouvoir compter sur des militants qui vont participer aux réunions et se mobiliser pour les manifestations.»
«Nous développons un syndicalisme offensif»
«Pedro est une figure emblématique de notre travail de terrain et de proximité», commente Blaise Carron. Le secrétaire régional explique les bons résultats d’Unia Valais par «une présence très marquée sur le terrain, quasiment continue, avec un bon réseau de militants». «Nous essayons de développer un syndicalisme offensif en nous appuyant sur des mobilisations. Nous avons, par exemple, remis récemment une “Râpe d’or”à l’Association valaisanne des entrepreneurs. Il y a une demande des salariés qui apprécient que nous luttions pour améliorer leurs conditions de travail et d’engagement. Nous sommes aussi présents dans des combats politiques, nous avons remporté le 3 mars la votation sur la Loi concernant l’ouverture des magasins. Nous avons profité de cette campagne pour mener un combat pour faire mieux connaître le syndicat et améliorer notre représentativité.» Blaise Carron s’attend donc à une augmentation des effectifs dans la vente. Unia peut s’appuyer sur cette victoire, la 13e rente et des augmentations salariales obtenues dans de nombreuses branches.
Pour résumer, la recette du succès semble composée d’une présence soutenue dans les entreprises, d’un réseau de militants, d’actions coups de poing médiatiques et d’interventions politiques bien articulées avec le travail syndical.
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Les effectifs d’Unia stabilisés
Entre 2016 et 2020, le nombre de membres d’Unia avait reculé de 201000 à 182000. Et l’arrivée de la pandémie a contrecarré les plans de redressement. Les effectifs ont finalement été stabilisés l’année dernière. Fin 2023, le syndicat comptait 174450 adhérents. Remarquons qu’Unia a gagné 715 membres (+1,4%) dans le secteur des services, qui, avec plus de 53000 membres, dépasse désormais les secteurs traditionnels de l’industrie, de la construction et des arts et métiers. Cela s’accompagne d’une augmentation de la part des femmes, qui atteint aujourd’hui 27,6%. Notons encore qu’en Suisse romande, outre le Valais, les régions Unia de Neuchâtel, Vaud et Transjurane affichent un solde positif.
Les membres recrutent des membres
Rappelons qu’Unia verse une prime de 100 francs à chaque membre recrutant un collègue ou une connaissance. En outre, à l’occasion des 20 ans de sa fondation, le syndicat organise un tirage au sort avec cent lots à gagner, d’une valeur de 25 à 1500 francs, destinés aux membres ayant réalisé un recrutement.
Participation sur: unia.ch/fr/membres/unia-a-20-ans