«Cet argent non reversé aux travailleurs n’est pas perdu pour tout le monde…»
Explications avec le secrétaire syndical de la construction Jean-Michel Bruyat.
A quoi les travailleurs accidentés ou malades doivent-ils être attentifs?
Ils doivent bien regarder leur fiche de paie. Ces dernières sont illisibles et les entreprises jouent là dessus. L’employeur ne peut pas simplement ôter 20% du salaire brut. L’indemnité journalière se calcule sur la base du salaire touché les douze derniers mois avant la maladie ou l’accident. Il peut y avoir des heures supplémentaires, des gratifications et, bien sûr, le 13e salaire. C’est à partir de ce total qu’est calculée l’indemnité journalière de 80% prévue dans les contrats d’assurance perte de gain. Le montant de l’indemnité – qui doit être versée chaque jour calendaire, c’est-à-dire 30 fois pour les mois à 30 jours et 31 fois pour les autres – est dès lors plus élevé que les 80% du salaire brut. C’est ce qui explique le différentiel entre les indemnités auxquelles avait droit Pietro, et ce qu’il a touché.
La mention du maintien des charges sociales devrait attirer l’attention des salariés. Lors d’une maladie ou d’un accident, elles ne doivent pas être déduites. En revanche, on peut continuer à payer la LPP, ce qui est positif, mais sur une base volontaire.
Que leur conseillez-vous de faire s’ils pensent qu’il pourrait y avoir une erreur sur leur fiche de salaire?
Les membres d’Unia peuvent s’adresser à leur secrétariat syndical le plus proche et prendre rendez-vous à la permanence afin de demander une évaluation du dossier. Pour cela, il faut être syndiqué.
Quelles seraient les solutions pour éviter que l’argent auquel ont droit les travailleurs disparaisse dans les caisses de l’entreprise?
Il faudrait d’abord des fiches de salaire claires. Actuellement, c’est extrêmement compliqué de les comprendre. Ensuite, les indemnités perte de gain devraient être versées directement au travailleur, sauf bien sûr pendant le délai d’attente où le patron est tenu de verser le salaire. Cela éviterait qu’en cas de faillite, des salariés malades ou accidentés se retrouvent sans un centime. C’est indécent qu’un travailleur ayant un bon emploi, une CCT, une assurance perte de gain, soit plongé dans la misère parce qu’il est malade ou accidenté. Nous avons par exemple eu le cas d’un ferrailleur qui devait se faire opérer du tunnel carpien. Il était à l’arrêt et son entreprise a fait faillite. Il a été obligé de retourner travailler comme temporaire, avec des souffrances terribles, jusqu’à ce qu’il puisse avoir droit à des indemnités et s’arrêter pour subir l’intervention chirurgicale prescrite.
Quel bilan tirez-vous de cette affaire?
Le premier cas que nous avons découvert chez Roth Echafaudages aurait dû faire réviser le mode de versement des indemnités. Nous constatons qu’ils n’ont pas changé de pratique et qu’aujourd’hui ils refusent de payer les quelques centaines de francs restantes à Pietro. C’est de la mauvaise foi!
C’est affligeant qu’une entreprise comme Roth Echafaudages qui, par sa stature, devrait montrer l’exemple, s’acharne sur une question de droit simple concernant l’assurance maladie perte de gain. Qu’est-ce que ça cache? Peut-être des sommes considérables!
Cet exemple, et le cas chez Elis, souligne qu’il est possible que d’autres entreprises, dans d’autres branches aussi, aient la même pratique. Il est important que les syndicats et leurs membres en soient conscients.
Sur le fond, cet argent non reversé aux travailleurs n’est pas perdu pour tout le monde. Du moment où il arrive sur le compte de l’employeur, on peut penser que c’est lui qui le garde…
(Photo Thierry Porchet)