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«J’accepte ma condamnation»

Le collage du rapport du GIEC: une action que les lanceurs d’alerte paient cher.
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Le collage du rapport du GIEC: une action que les lanceurs d’alerte paient cher.

Un militant climatique va passer deux mois en prison pour avoir filmé l’affichage du rapport du GIEC sur la place du Château à Lausanne en 2021

«Premier prisonnier politique climatique de Suisse.» C’est ainsi qu’est défini Nicolas Presti, dit Nikoko, sur le site qui lui est consacré. Il a écopé de 2 mois de prison ferme pour avoir filmé une action climatique.

Le 18 août 2021, deux lanceurs d’alerte affichent le rapport du GIEC sur les murs de la place du Château à Lausanne, avec une colle faite à base de farine, de sucre et d’eau, donc lavable. Cette action a pour but de demander au Gouvernement vaudois de prendre en compte les prévisions des scientifiques. Nicolas Presti filme l’action. Les trois activistes sont arrêtés, subissent des fouilles et sont libérés après cinq heures de garde à vue. Le Ministère public les condamne à 60 jours-amende à 30 francs, 200 francs de frais de procédure en sus. Soit 2000 francs chacun. Dans son ordonnance pénale, aucune distinction n’est faite entre les différents rôles des prévenus, la colle aurait «détérioré les murs de ces édifices historiques». Or, après deux heures de nettoyage, aucune trace ne subsiste. La semaine suivante, pour les mêmes faits à Berne (collage du rapport du GIEC sur le Palais fédéral), la lanceuse d’alerte écope de 200 francs d’amende. Soit dix fois moins.

Les deux personnes ayant collé le rapport font opposition. Le 29 septembre 2022, elles sont donc jugées par le Tribunal de police qui les condamne à 60 jours-amende à 30 francs le jour ferme (sans sursis) et 850 francs de frais de procédure. Elles font appel. Moyennant paiement des frais de nettoyage (240 francs pour deux heures de travail), la Direction générale des Immeubles et du patrimoine retire sa plainte. Le 15 mars 2023, la Cour d’appel les acquitte et demande 200 francs de frais à chacun. Comme le souligne les activistes: «Après 19 mois de procédures, la justice vaudoise obtient le résultat que Berne avait atteint en une semaine…»

«Les émissions de C02 augmentent»

Nikoko, lui, n’a pas fait appel ni payé l’amende, ni demandé grâce. Il explique sa position: «J’accepte ma condamnation. J’irai en prison pour mettre en avant le fait que la Suisse incarcère un lanceur d’alerte. Alors que les émissions de CO2 continuent d’augmenter et que les décideurs ne font rien.» Enseignant en sport et en géographie de métier, le jeune homme milite actuellement à plein temps. «J’ai confiance en notre politique en Suisse, mais pas pour la crise climatique et écologique! La justice estime qu’un citoyen qui a filmé des lanceurs d’alerte mérite d'aller 2 mois en prison. C'est un choix. C'est un signal. Pour ma part, j'assume les conséquences de mes actes. Mais je veux montrer publiquement les biais de la justice en matière climatique.» Philosophe, il explique se préparer psychologiquement, profiter de passer du temps avec la personne qu’il aime et de faire de la musique. «Ce sera une parenthèse dans ma vie, une expérience, mais j’espère que cela puisse avoir un impact sur la manière dont fonctionne la justice. J’espère aussi que cela amènera les gens à se mobiliser pour demander un réel changement de politique face à l'urgence climatique.»

Au moment de ces propos, Nicolas Presti devait entrer en prison le 12 décembre. Or, jeudi dernier, il recevait une lettre de l’Office d’exécution des peines l’informant que la date et le lieu de l’emprisonnement étaient modifiés, car la prison de la Croisée est pleine. Il est ainsi sommé de se rendre le 20 février 2024 à la prison de la plaine de l’Orbe…

 

Au lendemain de l'impression du journal, Nicolas Presti, suite à son opposition au report de sa peine, nous informait qu'il allait bien entrer en prison le 12 décembre, mais aux Etablissements de la plaine de l'Orbe, situés à deux pas de la Croisée.

 


Pour plus d’informations, aller sur: freenikoko.ch

Une marche est prévue le 12 décembre, pour accompagner Nicolas Presti de la gare de Chavornay, à 8h30, au centre de détention.

Pour signer l’Appel «contre l’incarcération d’une personne ayant juste filmé une action visant à alerter notre gouvernement sur le dérèglement climatique»: freenikoko.ch/appel

Parmi les signataires, figurent entre autres personnalités: Irène Wettstein, avocate; Jacques Dubochet, prix Nobel de chimie; les écrivains Christophe Gallaz et Jil Silberstein; le Vert Luc Recordon; la députée Mathilde Marendaz; Yvonne Winteler, coprésidente de l'Alliance climatique.

De l’intimidation judiciaire

Le «chilling effect», «effet bloquant» ou «intimidation judiciaire» en français, consiste à empêcher ou décourager une personne d’exercer ses droits. Les plus de 150 procès, qui ont eu lieu ou sont en cours en Suisse, de militants climatiques pacifiques ont en effet cet impact. De surcroît, les jugements diffèrent d’un militant à l’autre, pour de mêmes actes, et vont de la condamnation à l’acquittement. «La Cour européenne des droits de l’homme protège les libertés fondamentales dont celles de réunion et d’expression, souligne Irène Wettstein, avocate pour le climat. Or, nous sommes face à une justice qui décide d’abord de condamner, puis c’est à la personne inculpée de faire opposition. Pourtant, c’est la justice qui devrait porter, à la base, cette responsabilité de veiller au respect des droits fondamentaux. Dans le cas de Nikoko, on le met en prison alors qu’il s’est exprimé pacifiquement. En Valais, l’affaire des pistes de ski tracées de manière hors la loi, provoquant des dégâts environnementaux, n’a, à ma connaissance, toujours pas fait l’objet d’une instruction pénale. C’est deux poids deux mesures.»

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