Fondatrice d’OSE Thérapies, une association proposant différentes activités aux personnes atteintes d’un cancer, Lynda Gassouma s’investit sans compter dans son travail
Fondée il y a deux ans et demi à Lausanne, l’association OSE Thérapies incarne le pari fou relevé par Lynda Gassouma. L’idée a germé alors qu’elle travaillait comme droguiste dans une clinique privée de la capitale vaudoise. «Une infirmière a appris que je donnais des cours de danse orientale et m’a proposé d’initier des patientes atteintes du cancer du sein dans le cadre d’octobre rose, le mois consacré à cette maladie», raconte cette femme de 39 ans, née d’une famille suisso-tunisienne. Couronnée de succès, la démarche est pérennisée. «J’ai adoré. Ce fut un moment magique qui apporta tellement de bien-être physique et émotionnel aux femmes présentes que la clinique décida de mettre en place un cours mensuel», poursuit l’ancienne préparatrice en pharmacie, qui a aussi œuvré huit ans au CHUV. Mais le nombre de séances auxquelles ont alors droit les participantes est limité. Un non-sens pour Lynda Gassouma. Convaincue par l’expérience, la trentenaire décide de la poursuivre. Et dessine les contours d’OSE Thérapies. Depuis, l’association offrant aux personnes souffrant d’un cancer différentes activités physiques et artistiques, ainsi que des accompagnements thérapeutiques, a parcouru un sacré bout de chemin.
La santé et l’amour
Danse orientale, yoga, pilates, peinture, papier mâché, tricot et pleine conscience... l’ONG, essentiellement financée par des dons, propose également des ateliers de réflexologie, de sophrologie, d’hypnose ou encore de reiki. But poursuivi: permettre aux participants de lutter contre l’isolement, de se réapproprier leur corps, de retrouver un équilibre dans leur existence et de réintégrer une vie sociale et professionnelle. L’association s’adresse aussi bien aux malades durant leur traitement qu’à ceux en rémission, ainsi qu’à leurs proches, bénéficiant d’un espace de paroles. Et s’appuie sur les compétences d’une équipe d’une quinzaine d’enseignants rémunérés à l’heure. Les intéressés versent ce qu’ils veulent pour les cours – principe du chapeau – l’idée étant de les rendre accessibles à tous. «Je suis partie de rien. OSE Thérapies a évolué bien plus vite que prévu», remarque Lynda Gassouma, soulignant la richesse de son travail. «J’apprends tous les jours. Sur moi. Sur l’humain. Sur l’accompagnement à la maladie. Sur la gestion des émotions.» De quoi convaincre cette mère célibataire du bien-fondé de la voie choisie, quand bien même elle gagne difficilement sa vie et que les questions financières s’invitent plus souvent qu’à leur tour dans le projet. «OSE Thérapies rappelle toutefois constamment les priorités de l’existence. La santé est notre bien le plus précieux avec l’amour, pour en prendre soin.»
Mental au plus bas
La danse, Lynda Gassouma l’associe à «un sourire, un plaisir». Et espère à travers ce médium aider les femmes à améliorer leur confiance en elle et à se reconnecter à leur image, à leur féminité, à leur sensualité. «Je leur propose un voyage dans le monde oriental, une parenthèse dans le quotidien. Nous sommes dans le plaisir et non la performance face à un miroir qui, des fois, est devenu un ennemi», ajoute la passionnée, qui s’investit sans compter dans la gestion du centre espérant aussi convaincre davantage d’hommes de le fréquenter. «Peu admettent leur vulnérabilité, leur fragilité, alors qu’ils s’isolent tout autant que les femmes. Demander de l’aide ne se révèle pourtant pas une forme de faiblesse.» Une réalité expérimentée. D’un optimisme nuancé par une bonne dose de réalisme, chaleureuse et ouverte, Lynda Gassouma n’a pas toujours affiché cette personnalité solaire et assurée. Jeune, elle est plutôt introvertie et doit se battre contre ses peurs, vaincre son agoraphobie et sa claustrophobie. «J’avais d’abord mis au point des techniques d’évitement, mais c’était devenu incontrôlable», se souvient Lynda Gassouma, qui parviendra à sortir du tunnel au terme de huit années de thérapie. «Mon mental était alors au plus bas. Mais j’ai réussi à me réconcilier avec la vie et la mort, très liées. Notions qui, au centre, résonnent de manière phénoménale. Je suis passée d’un sentiment de terreur à la perspective d’aller à un enterrement à la possibilité d’accompagner aujourd’hui des personnes en fin de vie.»
Oser, son maître-mot
Bien que très sociable, l’indépendante mise sur la solitude pour se ressourcer. «OSE Thérapies prend énormément de place. J’ai la chance d’être mon propre boss, mais en même temps, il n’y a plus de limite entre vie privée et vie professionnelle. J’ai besoin de me retrouver seule pour me revitaliser», précise celle qui apprécie buller chez elle ou s’adonner à la lecture, l’écriture de ses mémoires, le visionnage de films et de séries pour «s’anesthésier le cerveau»... Au petit jeu spontané des «j’aime, je n’aime pas», Lynda Gassouma cite en vrac, dans la première catégorie, «le bruit du vent dans les arbres, les glaces – elle assume, rieuse, sa gourmandise – les chats». Et, dans la seconde, «le rideau de la douche mouillé qui colle à la peau, la fondue ou encore de devoir parfois faire semblant». Etrangère à une certaine définition stéréotypée du bonheur – entre famille modèle et vacances à la mer – l’entrepreneuse affirme avoir cessé de rêver. «Si je suis heureuse? Je ne sais pas», répond-elle, avant d’éclater de rire, laissant la question en suspens. Et alors que son maître-mot, «oser», tatoué de manière symbolique à l’intérieur de son poignet, l’a plusieurs fois sauvée. «Quoi qu’il arrive, il faut oser. Même si on essuie un refus, même en cas d’échec. Il faut avancer pas à pas, rester concentré sur le présent et fidèle à ses convictions, ses valeurs, sans céder aux injonctions de l’extérieur.» Une ligne qui aura présidé à l’ouverture de son centre, havre bienveillant dans les affres et les tourments de la maladie. Une démarche admirable, résultant de la générosité de cœur de son instigatrice.
ose-therapies.ch/a-propos