Face à la pénurie de personnel et aux conditions de travail délétères dans les soins, Unia a décidé de soutenir l’initiative pour des soins infirmiers forts. Votation le 28 novembre
Le personnel des soins, tant hospitaliers que de longue durée, a payé un lourd tribut dans la lutte contre le coronavirus. La pandémie a révélé l’état d’épuisement dans lequel les infirmières, les aides-soignantes ou les assistantes en soins se sont trouvées durant et après les premières vagues, sans qu’aucune reconnaissance ne leur soit accordée, si ce n’est les applaudissements de la population. Un état d’abattement déjà présent auparavant pour nombre de soignants.
Actif dans les soins de longue durée, en particulier auprès du personnel des EMS, Unia a décidé la semaine dernière de s’engager en faveur de l’initiative «Pour des soins infirmiers forts», soumise à votation le 28 novembre prochain. Le syndicat compte plusieurs milliers de salariées et de salariés dans la branche. Les enquêtes menées auprès du personnel ont mis au jour des chiffres inquiétants. Ainsi, en 2019, 87% des soignants se sont plaints d’avoir trop peu de temps à consacrer aux résidents pour leur octroyer des soins de qualité. Presque 90% ont déclaré devoir travailler dans l’urgence. Un soignant sur quatre doit parfois renoncer à effectuer des soins corporels en raison d’une surcharge de travail. Ces conditions délétères, résultat de sous-effectifs chroniques, poussent le personnel à quitter le métier. Les 47% des soignants ne souhaitent pas rester dans la profession jusqu’à la retraite. La pénurie de personnel est criante. Et d’ici à 2030, soit dans moins de dix ans, il manquera 65000 soignants pour faire face au vieillissement de la population. Ce qui représente près de 20% du personnel total actuel. Le nombre d’actifs dans les soins s’élève aujourd’hui à l’équivalent de 332000 postes à plein temps. Ces emplois se répartissent à hauteur de 167900 postes dans les hôpitaux (51%), 96500 dans les homes et les soins de longue durée (29%), 23600 dans les soins à domicile (7%) et 44000 dans les cabinets médicaux (13%).
Tanja, infirmière et membre d’Unia, engagée dans la campagne pour l’initiative sur les soins, avertit: «Il est dangereux que les soignants continuent à quitter la profession. La faillite des soins n’est pas loin!» L’initiative pourrait remédier à cette situation si elle était acceptée par le peuple.
Formation et conditions de travail
Cette initiative, qui concerne le personnel des hôpitaux, des EMS ou encore les infirmiers indépendants, comporte deux volets, explique Véronique Polito, vice-présidente d’Unia et responsable de la branche des soins: «Il y a d’une part l’exigence de renforcer la formation professionnelle et continue du personnel des soins infirmiers. Cela concerne aussi les soins de longue durée, en EMS ou en ambulatoire, qui ont également besoin d’un personnel qualifié. L’autre volet concerne les conditions de travail. Avec notamment la nécessité d’un personnel suffisant pour assurer des soins de qualité, une affectation des employés aux postes correspondant à leur formation et à leurs compétences, et la question d’une rémunération appropriée.» Pour la responsable syndicale, ces différents aspects, couplés à une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, permettront aux salariés de la branche de se projeter sur le long terme, ce qui devrait permettre de briser le cercle vicieux infernal des départs et de la pénurie de personnel.
Système de financement équitable
L’initiative permettra aussi de repenser le système de financement des soins de longue durée, un système pervers dont l’absurdité a été démontrée durant la pandémie: «Il existe dans les soins de longue durée et les EMS des “trous” budgétaires. En raison des décès dus au Covid, des lits ont été inoccupés. Ces trous dans les comptes et les coûts des mesures drastiques de protection poussent les établissements à faire des économies en supprimant du personnel. Les soignants restants, déjà épuisés, surchargés, se retrouvent avec encore plus de travail», explique Véronique Polito, qui précise que «pour mettre l’initiative en œuvre, il faudrait introduire une forme de pilotage au niveau fédéral de la planification des soins de longue durée permettant de faire face aux défis actuels et à venir». Ce que ne souhaitent ni le Conseil fédéral ni le Parlement, qui rejettent ce texte au profit d’un contre-projet, ce dernier devant entrer en vigueur si l’initiative «pour des soins infirmiers forts» est refusée. «Le contre-projet propose des investissements dans des mesures de formation, mais absolument rien au niveau des conditions de travail et de rémunération, de l’attribution des tâches ou du mécanisme de financement», souligne la responsable syndicale.
Pour Unia, l’initiative «pose des bases importantes pour assurer des soins de qualité à l’avenir». Notamment en réduisant le taux d’abandon de la profession ainsi que la pénurie de personnel. Le syndicat va s’engager, avec ses ambassadrices et ses ambassadeurs (voir encadré) dans les EMS pour mener une vaste campagne d’information auprès du personnel et de la population en faveur du Oui à l’initiative sur les soins.