Choc de l’inflation et rentes toujours trop basses
Les femmes sont majoritaires dans le commerce de détail. Or, aujourd’hui, malgré la bonne marche des affaires, elles ont moins d’argent dans le portemonnaie à la fin du mois.
C’est décevant. Car pendant ce temps, les grandes enseignes augmentent leurs prix et sont partout à la recherche de main-d’œuvre qualifiée. Il est donc incompréhensible qu’elles n’accordent pas la pleine compensation du renchérissement. La chimie et le pharma m’ont aussi déçue, comme Roche qui s’en tient à des augmentations individuelles.
Les syndicats ont-ils obtenu de bons résultats dans d’autres branches?
La pleine compensation du renchérissement est par exemple prévue dans l’hôtellerie-restauration ou dans l’industrie horlogère. Même si toutes les négociations salariales ne sont pas terminées, nous avons globalement obtenu des hausses de salaire de 2,5%. Ce n’est pas mauvais, même si cela reste insuffisant. Car pour beaucoup de salariés, le renchérissement et l’explosion des primes des caisses maladie constituent un choc brutal. L’heure est à un salaire minimum de 4500 francs par mois pour le personnel non qualifié, et de 5000 francs par mois pour les titulaires de CFC. Et il est important d’inscrire dans toutes les CCT la compensation automatique du renchérissement.
Les bas salaires se font sentir jusqu’à la retraite: en moyenne, les femmes continuent de toucher des rentes inférieures d’un tiers à celles des hommes. Et il leur faudra désormais travailler plus longtemps. Qu’en est-il après le oui à AVS 21?
C’est navrant d’avoir perdu d’aussi peu le scrutin d’AVS 21 le 25 septembre dernier. Notamment pour les femmes concernées qui, en plus de gagner moins et de percevoir des rentes plus basses, devront travailler une année supplémentaire. Les personnes disposant d’un revenu élevé, les hommes et les retraités ont fait pencher la balance. Bien des partisans d’AVS 21 ont reconnu qu’il y avait une discrimination, tout en prétendant que ce n’était pas le moment d’y mettre fin. C’est grotesque!
Le vrai scandale vient des politiciennes et des politiciens ayant dit et répété, en amont du scrutin, que la révision du 2e pilier mettrait fin à la discrimination des femmes. Or, leurs interventions actuelles au Parlement montrent clairement que ce n’étaient que des promesses en l’air. Leur but est de faire une révision sur le dos des bénéficiaires de bas revenus, soit en particulier des femmes. Nous suivons de près les débats. Si le Parlement ne corrige pas le projet actuel, nous lancerons un référendum. Nous avons également une solution clé en main, qui permettrait d’augmenter avec effet immédiat les rentes de 8,3%, soit l’octroi d’une 13e rente AVS.
Les femmes perçoivent aussi des rentes plus basses parce qu’elles travaillent souvent à temps partiel, afin de s’occuper de leurs enfants ou d’autres proches...
Cette activité à temps partiel forcée tient à deux raisons. D’une part, il reste difficile de concilier famille et vie professionnelle; d’autre part, il y a des branches dans lesquelles les femmes travaillent à temps partiel parce que les pressions et le stress sont trop lourds à gérer et rendent malades. Par exemple dans les soins, où beaucoup de gens réduisent leur taux d’activité à leurs frais.
La situation est dramatique dans le secteur des soins!
Chaque mois, 300 personnes quittent la profession infirmière et, malgré cette situation, la mise en œuvre de l’initiative sur les soins continue de se faire attendre. Il est urgent d’améliorer les conditions de travail, notamment en réduisant la durée de l’activité. Cela faciliterait la conciliation entre famille et activité professionnelle. L’Autriche a déjà revu à la baisse la durée du travail dans les professions soignantes ou du secteur social.
Et en Suisse?
L’hôpital de Wetzikon (ZH) a ouvert la voie: le personnel soignant travaillant en rotation a désormais la semaine de 38 heures, avec un salaire inchangé. D’autres doivent lui emboîter le pas. Aux négociations sur la CCT de l’industrie horlogère, nous exigeons la semaine de 36 heures avec maintien du salaire, sans densification des tâches ni diminutions d’effectifs. La réduction du temps de travail sera au cœur de toutes les négociations conventionnelles. Elle est d’ailleurs abordable financièrement. Entre 2015 et 2020, la productivité a bondi de presque 8%, contre à peine 2,5% pour les salaires réels. Une marge de manœuvre existe par conséquent en vue d’une redistribution de la valeur créée sous forme de temps libre.
Les interventions des «amis de l’économie» de droite vont toutefois dans une tout autre direction.
Beaucoup d’interventions issues de la droite parlementaire visent à déréglementer de façon brutale le temps de travail. On l’a vu aussi lors des négociations sur la nouvelle Convention nationale du secteur principal de la construction: les entrepreneurs visaient à instaurer la semaine de 58 heures! Nous avons heureusement su déjouer un tel scénario. Il est toutefois important de ne pas rester sur la défensive, mais de prendre aussi l’offensive.
Quelles sont les offensives prévues par Unia pour 2023?
Nous avons pour but d’obtenir avec la grève féministe des avancées sociales en matière d’égalité et de réduction du temps de travail. Les négociations conventionnelles prévues dans les arts et métiers, dans l’industrie horlogère et dans l’industrie des machines, des équipements électriques et des métaux (MEM) mettront l’accent sur des salaires minimums plus élevés. Enfin, avec l’initiative AVSx13 nous visons à faire un pas en direction de rentes qui couvrent le minimum vital.