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«La régularisation, seule solution globale et durable»

Distribution de nourritures à Genève durant la pandémie.
© Thierry Porchet

A Genève, comme dans d’autres villes du pays, la pandémie a mis en lumière l’extrême précarité dans laquelle se trouvent des travailleurs, et parmi eux de nombreux sans-papiers.

La Plateforme pour les sans-papiers a formulé une liste de revendications en vue d’améliorer la situation de cette population précarisée

Difficile d’oublier, dans l’opulente Suisse, les queues interminables de pauvres, dont un grand nombre de sans-papiers, patientant des heures pour recevoir gratuitement un sac de provisions. Ces scènes se sont produites à Genève, mais aussi dans d’autres villes du pays, sur fond de pandémie, le Covid-19 ayant plongé dans une précarité aggravée cette population sans statut légal estimée, sur l’ensemble du territoire, à 100000 personnes. Nombre d’entre elles ont, en raison du virus, perdu leur travail. «La situation sanitaire les a rendues visibles. Nous avons saisi cette occasion malheureuse pour formuler une liste de revendications nationales en vue d’améliorer leur sort», déclare Ada Marra, coprésidente de la Plateforme pour les sans-papiers. La conseillère nationale socialiste précise encore que cette initiative s’inscrit dans la foulée d’un postulat demandant un examen global de la problématique des sans-papiers: droits de s’affilier aux assurances sociales, pratique en matière d’échange des données, de régularisation, etc. Ce dernier, déposé en avril 2018 par la Commission des institutions politiques, devrait être traité d’ici à la fin de l’année. «Avant d’entreprendre d’autres démarches, nous attendons de voir quelle réponse sera apportée aux questions posées. Nous préparons le terrain.»

Etendre le modèle Papyrus

Au chapitre des revendications de la Plateforme figure, en tête de liste, celle de la régularisation. «C’est la seule solution globale et durable susceptible de mettre fin à une situation de précarité.» Et la députée d’insister sur la nécessité de changer l’idée que certains se font des sans-papiers. «La grande majorité d’entre eux sont des travailleurs, sans droits. Des personnes qui vivent parmi nous et effectuent des tâches importantes pour notre société et notre économie, employées dans des ménages privés, la construction, la restauration ou l’agriculture.» Si Ada Marra ne se fait guère d’illusion sur une régularisation collective par le Parlement, elle estime que la sensibilisation doit se poursuivre. D’autant plus en cette période de Covid-19, afin de garantir à tous un accès aux soins, d’avoir la possibilité au besoin d’assurer des quarantaines, etc. «Au Portugal, ils ont par exemple, dans une logique sanitaire, procédé à leur régularisation.» Le risque d’appel d’air évoqué souvent par les opposants à cette proposition est balayé par la politicienne. «La migration a toujours été régulée par le marché du travail.» A défaut de régularisation générale, la vice-présidente du PS suisse demande la mise en place de mesures comme celles prises dans le cadre de l’opération Papyrus. «On devrait étendre le modèle au niveau national. Un premier pas pourrait être franchi en harmonisant les processus et les conditions régissant les demandes pour les cas de rigueur. Les différences d’appréciation des critères entre les cantons sont énormes. Certains les interprètent de manière très sévère.»

Se prémunir contre les abus

La Plateforme se positionne aussi en faveur d’un soutien direct au-delà de la crise. Et plaide pour la création d’un fonds financé par la Confédération et les Cantons. «Les sans-papiers sont exclus de l’aide sociale. Il s’agit d’être pratique. D’éviter que des personnes se retrouvent à la rue.» Et l’alliance d’ONG, de partis, de syndicats, etc., d’estimer qu’il est «du devoir de la Suisse d’établir des moyens d’existence sûrs pour tous ses habitants, sans-papiers inclus». Pour les garantir, la Plateforme demande que l’échange de données entre les différentes autorités interagissant avec cette catégorie de population soit banni s’il nuit à l’accès aux droits fondamentaux. «Il y a par exemple des assurances maladie qui demandent, sans base légale, des attestations de séjour aux sans-papiers qui ne peuvent alors s’affilier. Certains sont aussi susceptibles de renoncer à effectuer des tests Covid de peur d’être dénoncés.» Pour la Plateforme, les obligations de notification entravent l’accès des sans-papiers à des prestations fondamentales du système sanitaire, éducatif ou judiciaire. «Il y a donc lieu de les réviser et de les réduire.»

«En tant que société, nous avons tout intérêt à ce que la santé, l’éducation, le travail et la justice soient accessibles aussi aux sans-papiers. C’est la seule manière de nous prémunir contre les abus et de combler les lacunes de la législation en vigueur. Qu’il s’agisse d’abus sur le marché du travail, du logement ou pour se protéger contre la violence domestique ainsi que les risques d’infection.»

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