La Suisse à la traîne sur la responsabilité des multinationales
La coalition pour des multinationales responsables demande que le Conseil fédéral s’aligne sur les mesures prises au niveau européen avec une loi forte et efficace
La semaine dernière, la Commission européenne a présenté à Bruxelles un projet de loi sur la responsabilité des multinationales qui va bien plus loin que ce que propose le Conseil fédéral. «Le texte contraint les multinationales à respecter les droits humains et l'environnement, et contient des règles de responsabilité civile ainsi que des sanctions en cas d’infraction, explique la coalition pour des multinationales responsables, dans un communiqué. La Suisse prend de plus en plus de retard vis-à-vis de l’UE, mais aussi vis-à-vis de pays qui ont déjà adopté des lois contraignantes de manière individuelle, comme la France, l'Allemagne ou la Norvège, ajoute Juliette Müller, responsable Suisse romande de la coalition. La conseillère fédérale Karin Keller-Sutter avait pourtant promis que la loi suisse serait coordonnée aux mesures internationales.»
Fin décembre, l’alliance dénonçait déjà la faiblesse de la loi d’application qui édulcore encore le contre-projet du Conseil fédéral (voir L’ES du 15 décembre 2021). Un blanc-seing pour la grande majorité des multinationales qui peuvent au final se soustraire aux dispositions fixées par la loi. Celle-ci ne prévoit un devoir de diligence que dans deux domaines – le travail des enfants et les minerais lors de conflit – sans aucun mécanisme de contrôle ou de sanction.
Droits humains et environnementaux
La nouvelle Directive de l'UE, elle, projette de s’appliquer aux multinationales de l'Union européenne à partir de 250 employés et contient un devoir de diligence étendu à tous les droits humains et les normes environnementales internationales. «Les multinationales devront en outre montrer comment elles respectent les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat», précise la coalition. Sur certains points, la réglementation européenne va même au-delà de ce que proposait son initiative.
Si, vu de Suisse, le projet de loi européen est perçu comme exemplaire, la Confédération syndicale internationale (CSI) estime, quant à elle, qu’il ne va pas assez loin pour garantir un socle de droits pour tous les travailleurs et les travailleuses, préserver le climat et mettre fin à l’impunité des entreprises en les obligeant à rendre des comptes. La secrétaire générale de la CSI, Sharan Burrow, souligne dans un communiqué: «Nous avons urgemment besoin d’une directive européenne solide sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité alors que se multiplient les violations des droits humains et environnementaux, notamment les violations des droits syndicaux et des travailleurs par des entreprises du monde entier, y compris des entreprises européennes.»