Hors de question de relâcher la pression. L’heure de la rentrée a aussi sonné pour la Grève du climat, de retour dans la rue. Vendredi dernier, des milliers de jeunes ont manifesté dans 18 villes de Suisse. Les militants ont réclamé une nouvelle fois des dispositions urgentes pour lutter contre le réchauffement de la Terre. Et la mise en place de politiques audacieuses. Des revendications répétées mais aussi des propositions concrètes: le mouvement avait déjà présenté au printemps un plan d’action pour la mise en œuvre de la transition écologique et la création d’emplois durables. Non, les activistes ne se limitent pas à scander des slogans et à courber l’école. Et n’entendent pas ranger leurs pancartes tant que rien ne bouge ou presque.
La crise sanitaire a relayé au second plan la menace climatique, bien que nettement plus dangereuse avec la fonte du permafrost et le risque d’autres épidémies. Les conséquences du coronavirus servent pourtant aujourd’hui à justifier attentismes et reculs écologiques au nom de la récession et de la nécessité de soutenir les entreprises. Avec un projet de Loi sur le CO2 plus que minimaliste et antisociale. Avec des milliards investis dans l’industrie aérienne sans contrepartie climatique. Avec la volonté du Conseil fédéral de faire des cadeaux aux importateurs automobiles: la limite de dioxyde de carbone fixée à 95 grammes par kilomètre pourra être dépassée par 15% des véhicules les plus polluants. Une autoroute pour les grosses cylindrées. Avec, encore, un contre-projet édulcoré du gouvernement à l’Initiative pour les glaciers, qui était pourtant déjà tout sauf ambitieuse. Sans oublier les soutiens de Berne à la Loi sur la chasse et aux avions de combat, tous deux ennemis de l’environnement et de la biodiversité.
A en croire nombre d’acteurs politiques et économiques, le moment est inopportun pour opérer des transformations. Peu d’espoir aussi à attendre de la vague verte au Parlement qui se dilue dans les remous des consensus. Mais pour ceux qui s’opposent à un changement de paradigme, le bon moment n’existera jamais. Ces personnes appartiennent à l’ancien monde. Celui-là même qui s’est construit sur une vision aussi arrogante qu’étriquée et égoïste de l’exploitation sans limites des ressources de la planète, faisant fi du nécessaire équilibre entre les êtres et la nature. Celui-là même qui ne jure que par la croissance et refuse de sortir du seul schéma capitaliste et de ses dogmes éculés profitant surtout à des poignées de nantis. Celui-là même qui privilégie la médecine curative à celle préventive... L’espoir légitime d’un refus du retour à la «normale» semble s’être brisé sur un quotidien ressemblant à s’y méprendre à celui précédant la crise. Le naturel est revenu au galop. Alors que les points de bascule se rapprochent vertigineusement, nécessitant des mutations systémiques en profondeur.
Depuis le 22 août, l’humanité vit à crédit. Autrement dit, cette date marque le point de rupture entre les capacités de régénération en une année de la Terre croisées avec les activités humaines. Ce jour du dépassement dans notre pays, est arrivé... le 8 mai! Le salut, s’il en existe un, viendra clairement du maintien de la pression de la nouvelle génération et de la convergence des luttes menées par la société civile. Militants du climat, féministes, syndicalistes... ont d’ores et déjà programmé de nouveaux rendez-vous. Les défenseurs de l’environnement projettent aussi une semaine d’actions et de désobéissance civile. Tous sont loin d’avoir dit leur dernier mot. Masqués certes, mais pas bâillonnés.