Des militants d’Extinction Rebellion ont mené simultanément quatre actions à l’encontre d’entreprises actives dans le commerce des matières premières. Reportage à Lausanne
Opérations coup de poing menées le 17 février par des activistes d’Extinction Rebellion (XR). Le groupe écologiste a occupé simultanément les bureaux de quatre sociétés spécialisées dans le trading, à savoir Vitol, Cargill et Mercuria, à Genève, et Ifchor, à Lausanne. Dans la capitale vaudoise, une soixantaine de militants ont investi les locaux de l’entreprise et manifesté devant l’immeuble les abritant. Dans le calme, les militants ont pénétré dans l’espace d’Ifchor, déployé leurs banderoles et expliqué les raisons de leur venue sous le regard abasourdi et réprobateur des employés. Pour éviter tout risque de fuite, le lieu d’intervention n’a été connu qu’à la dernière minute. «Nous nous mesurons à Goliath», a lancé Sonja, la porte-parole du jour, dénonçant les «destructions du vivant» occasionnées par le négoce des matières premières et le rôle de la Suisse, une des principales plaques tournantes dans ce commerce. La jeune femme a qualifié de «désastre absolu» pour la planète ces activités, fustigeant des méthodes d’extraction de plus en plus invasives, la recherche et l’exploitation incessante de nouveaux gisements ou encore la déforestation massive à la faveur de cultures intensives. Et les conséquences de ce business: anéantissement d’écosystèmes, pollution de l’air et des cours d’eau, paupérisation ou encore injustices sociales. «Plusieurs sociétés fédèrent notre ire. Ifchor en est une parmi d’autres. Ici, on vise en particulier le transport de pétrole via des supertankers hyperpolluants», a déclaré la militante soulignant au passage «l’opacité» entourant ce secteur comptant, selon un tract d’XR, plus de 500 entreprises en Suisse. «Notre pays gère 11% de la flotte maritime mondiale alors qu’il n’a pas d’accès à la mer. C’est la mort de nos mers sans oublier l’impact sur la santé de ce type de transport: 60000 décès prématurés par an rien que dans l’Union européenne.» Et le groupe d’interpeller la présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga, sur la responsabilité des compagnies actives dans le trading des matières premières. «Madame, du courage, reconnaissez leurs crimes, reconnaissez que vous les autorisez, reconnaissez l’écocide, car notre pays n’est qu’une gigantesque scène du crime.»
Jetez vos portables...
De leur côté, les travailleurs d’Ifchor ont exigé le départ immédiat des militants. «Vous trouvez normal de venir comme ça chez nous qui travaillons? Dégagez!» a intimé un des représentants de la société, refusant tout dialogue avec les membres d’XR. Et balayant en bloc les critiques énoncées: «Vous ignorez ce que nous faisons ici», a-t-il ajouté. Interrogé en aparté sur la nature des activités d’Ifchor, l’homme n’a toutefois pas souhaité répondre à nos questions. Même attitude fermée de ses collaborateurs, aucun n’acceptant de s’exprimer. Le seul échange aura porté sur quelques piques lancées par le personnel aux écologistes, ironisant sur l’usage de téléphones portables... «Jetez vos natels. Ils nécessitent des matières premières», a lancé une employée excédée... Un activiste a ensuite lu l’acte d’accusation prononcé à l’encontre d’Ifchor dénonçant un «écocide volontaire et une violation des droits humains», avant que n’arrivent les forces de l’ordre. Celui-ci leur a alors demandé de «procéder à la saisie de preuves qui serviront lors du procès de l’entreprise»... L’action chez Ifchor s’est terminée sans accroc par le départ des écologistes, la police s’étant engagée à ne relever aucune identité. Elle aura aussi été marquée à l’extérieur par des prises de parole et la présence d’une «brigade azur». Composée d’une dizaine de militants costumés dont un déguisé en goutte d’eau, cette dernière a déambulé en silence devant le bâtiment d’Ifchor. «Elle symbolise la mort des océans et la tristesse des humains», a expliqué Sonja. Les activistes ont ensuite poursuivi leur lutte pacifique à Vevey, défilant devant la multinationale Nestlé...