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Le poste de travail, lieu fréquent de dérives racistes

Une haie d'obstacle avec la mention "racisme".
© Lucas Dubuis/archives

La lutte contre le racisme relève de la course d’obstacles, en particulier dans le cadre professionnel où le législateur ferme les yeux.

La conférence des migrations d’Unia a adopté une résolution réclamant des mesures pour lutter contre le racisme sur le lieu de travail

Barrer la route au racisme sur le lieu de travail: voilà l’objectif poursuivi par la Conférence des migrations d’Unia, qui a adopté samedi dernier une résolution dans ce sens. Réunis en assemblée annuelle à Berne, une soixantaine de participants – un groupe hétérogène en termes d’âges, d’origines, de professions ou encore de sensibilité politique – ont exigé des mesures plus poussées pour combattre ce fléau particulièrement aigu dans le milieu de l’emploi. «C’est dans ce cadre qu’il est le plus répandu, suivi par celui de l’éducation», note Hilmi Gashi, responsable du domaine groupes d’intérêts d’Unia. Une réalité mise en lumière par la Commission fédérale contre le racisme (CFR), à la suite du rapport du Réseau de centres de conseil pour les victimes du racisme. Selon celle-ci, sur les 708 cas de discriminations raciales recensés en 2022, soit 78 de plus qu’en 2021, la majeure partie sont survenus dans le secteur professionnel (133 incidents) et celui de la formation (116 incidents), le plus souvent sous forme de racisme anti-Noirs et de xénophobie. Ces événements, constate encore la CFR, se sont généralement concrétisés par des inégalités de traitement, des insultes ou des traitements dénigrant des personnes. Dans ce contexte, les migrants d’Unia ont exigé l’introduction de dispositions plus sévères pour combattre cette dérive. D’autant plus que le phénomène se révèle en augmentation, même si cette situation, dans le domaine de l’enseignement, est due à une hausse des signalements en raison d’une plus grande sensibilisation des élèves directement concernés et de leurs proches.

Une norme pénale insuffisante

La Conférence des migrations d’Unia a rappelé l’introduction, il y a trente ans, de la norme pénale contre la discrimination raciale. «Le 18 juin 1993, l’article 261bis du Code pénal entrait en vigueur, interdisant l’incitation publique à la discrimination raciale, ethnique ou religieuse. Les insultes racistes ainsi que les gestes qui rabaissent une personne dans sa dignité sont aussi expressément interdits... Cette norme pénale est certes importante, mais insuffisante.» Le problème principal, souligne Hilmi Gashi, tient au fait que le lieu de travail est considéré comme un lieu privé. «La norme ne s’exerce que dans l’espace public.» De plus, ajoute le syndicat, ni le Code des obligations, ni la Loi sur le travail ou le Code civil ne définissent clairement la discrimination. «Les employés ne disposent donc pas des moyens juridiques nécessaires pour agir contre la discrimination raciale au travail.» Dans ce contexte, l’assemblée a demandé que la Suisse mette en œuvre une protection efficace contre les différentes manifestations d’inégalités de traitement: à l’embauche, lors de l’emploi, dans le cadre de promotion et de formation professionnelle, pour l’accès à différents métiers, dans la reconnaissance des diplômes et dans les conditions de travail et de salaire. Concrètement, elle réclame un renforcement des normes de droit pénal, de droit civil et administratives pour lutter contre toutes les formes de discriminations sur le lieu de travail, «dès le premier comportement importun, ainsi qu’en cas de discours de haine, d’inégalité de traitement, etc.».

Renforcer la prévention

Autre revendication, «l’accès non discriminatoire et effectif à la justice, avec des mécanismes de procédure cohérents, y compris le renversement du fardeau de la preuve, selon le modèle de la Loi sur l’égalité». Sur ce dernier point, Hilmi Gashi précise: «Si une personne estime, par exemple, qu’elle n’a pas pu évoluer dans son travail en raison d’une discrimination raciale, elle doit le prouver. Il faudrait plutôt que l’entreprise amène elle des preuves qu’elle n’a pas promu un collaborateur non par racisme, mais sur des critères objectifs.» Les migrants d’Unia ont encore défendu la nécessité de conventions collectives de travail comportant des dispositions sur les salaires minimums, «propres à lutter contre les discriminations et l’exploitation» et des procédures de candidature anonyme. Hilmi Gashi souligne aussi que les entreprises de services comme celles actives dans le domaine des soins à domicile devraient introduire des chartes à destination de la clientèle. Ce afin de protéger les employés des risques de comportements discriminatoires de bénéficiaires de prestations. L’assistance s’est encore positionnée en faveur d’un renforcement de la prévention par les autorités et une offensive d’information et de sensibilisation antiraciste aux niveaux fédéral, cantonal et communal. «Il faut encourager la population à dénoncer les cas», ajoute le collaborateur d’Unia, estimant que les incidents racistes sur les lieux de travail pourraient être annoncés anonymement sur une plateforme numérique ad hoc, à l’image d’un autre site créé pour dénoncer les dérives de ce type sur les réseaux sociaux. Parallèlement, la Conférence a annoncé qu’elle travaillait à la réactualisation de sa brochure Agir contre le racisme! avec la jeunesse d’Unia.

A noter que le sujet du racisme revêt une importance particulière à Unia comptant quelque 180000 membres «dont 61% issus de la migration», chiffre Hilmi Gashi.

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