Le retour des syndicats britanniques
Depuis plusieurs semaines, la Grande-Bretagne connaît des grèves à l’ampleur inédite depuis les années 1980. Les chemins de fer, le métro londonien, la poste, les compagnies aériennes ou encore les avocats ont connu des arrêts de travail. Fin juin, près de 50000 cheminots se sont croisé les bras durant trois jours pour protester contre les licenciements et la dégradation des conditions de travail et réclamer, face à l’inflation qui a atteint 9% sur douze mois, des revalorisations salariales. Le populaire secrétaire général du syndicat des transports, Mick Lynch, est devenu en quelques jours le leader de l’opposition. «Les conservateurs et les patrons se sont persuadés que le Covid avait rendu les gens passifs, qu’ils se laisseraient faire et ne se rebelleraient pas… Mais ils se sont trompés: les cheminots et la population en général n’en peuvent plus de ce gouvernement et de ces superriches», a expliqué le syndicaliste dans un entretien au quotidien français L’Humanité. Faute d’avoir obtenu gain de cause, le syndicat a annoncé une nouvelle journée d’actions pour ce mercredi 27 juillet. De nombreuses consultations en vue de déposer des préavis de grève sont, par ailleurs, en cours dans d’autres secteurs, par exemple dans la santé, l’éducation ou les centres d’appels.
Pour faire passer leurs réformes néolibérales, il faut rappeler que les conservateurs avaient limité les libertés syndicales. Entre les gouvernements Thatcher et Major, six lois restreignirent les piquets de grève ou les débrayages de solidarité et instaurèrent de lourdes amendes en cas de non-respect de la paix du travail. On se souvient comment la Dame de fer brisa en 1985 la grève d’une année des mineurs. Ce mouvement néolibéral, dont la privatisation du rail britannique en 1993 en est sans doute, par sa radicalité et ses travers, le symbole, se poursuivit sous Blair et s’étendit aux autres pays européens. Les actuels mouvements sociaux outre-Manche sont peut-être le signal qu’une page est en train de se tourner. «Il faut des paquets d’augmentations salariales, de la sécurité d’emploi, un renversement des rapports de force dans les entreprises et la société. J’ai bon espoir qu’il y ait une riposte à l’échelle de l’Europe», a dit Mick Lynch à L’Huma.
Cela ne peut que nous rendre optimistes en Suisse, alors que la rentrée promet d’être militante. Le renchérissement s’élevait en juin à 3,4% et l’augmentation annoncée des primes maladie va réduire le revenu disponible des travailleurs et des ménages, tandis que les écarts salariaux n’ont cessé de se creuser ces dernières années. La compensation salariale intégrale du renchérissement est l’une des revendications qui vont s’imposer. Les employés des transports publics genevois ont d’ores et déjà décidé de faire grève en ce sens. Les travailleurs de la construction décideront aussi s’il faut prendre des mesures de lutte devant l’intransigeance de la Société des entrepreneurs. Et il y aura encore la votation du 25 septembre où il s’agit de défendre la retraite des femmes à 64 ans. Bref, un automne chaud va succéder à cet été brûlant.