Pour signer la pétition: geneve.unia.ch
«Les applaudissements, c’est touchant, mais ça ne paie pas les factures!»
Dans le cadre du 14 juin, une nettoyeuse, une vendeuse et une infirmière en EMS, au front durant la pandémie, demandent reconnaissance et revalorisation de leur métier
Durant la crise sanitaire du Covid-19, certaines branches ont enfin été reconnues comme essentielles et vitales par la population, à l’image des soins mais aussi du commerce de détail et du nettoyage où le personnel était en première ligne. Des professions majoritairement occupées par des femmes, aux conditions de travail difficiles, souvent à temps partiel imposé et mal rémunérées. Dans le cadre des actions de la «Semaine violette» et du 14 juin, Unia Genève a décidé de lancer une campagne générale de revalorisation dans ces trois branches pour que tous ces métiers indispensables soient enfin reconnus à leur juste valeur.
Une vraie prime pour les vendeuses
Maria, vendeuse à la Migros, raconte la peur qui régnait au sein du personnel. «On allait au travail la boule au ventre, car au début, on n’avait pas de masque et les distances n’étaient pas respectées. Malgré tout, on était là, on n’a rien lâché et, maintenant, la moindre des choses serait que nos employeurs nous montrent un peu de reconnaissance.» Les syndicats Unia et Sit réclament en effet une prime de 2000 francs pour tous les employés de la vente du canton, en guise de prime de risque pour ceux qui ont travaillé, ou pour compléter la perte de salaire de ceux qui n’ont pas travaillé. «C’était très touchant de se faire applaudir, mais ça ne paie pas nos factures! On ne fait pas un métier facile, il a souvent été considéré comme ingrat et, maintenant, les gens se rendent compte à quel point il est important. Nous méritons tous une reconnaissance pour l’effort fourni.» Cette mesure doit être discutée dans le cadre des négociations conventionnelles en cours. Pour l’heure, Migros a annoncé une prime de 500 francs, seulement pour ceux qui ont travaillé. Insuffisant selon Unia...
Nettoyeuses snobées
Montserrat* travaille, elle, depuis plus de cinq ans dans le nettoyage, et n’a pas arrêté ces dernières semaines. «Mon mari est âgé et atteint d’un cancer, du coup, j’avais peur de contracter le coronavirus à l’extérieur et de lui transmettre la maladie. Au début, rien n’a été prévu par mon patron, j’ai donc dû acheter des gants et des masques avec mon propre argent pour me protéger. Il est urgent que nos salaires soient augmentés, car à moins de 20 francs brut par heure, on ne s’en sort pas.»
A l’occasion du 1er Mai, Unia et le Sit avaient envoyé une pétition à l’Association genevoise des entrepreneurs en nettoyage et de service (AGENS) lui demandant l’octroi d’une prime de risque pour le personnel au front, une augmentation des salaires minimaux à 23 francs l’heure, ainsi que la prise en charge à 100% des RHT par l’employeur. «Dans sa réponse écrite, l’AGENS a renvoyé la question des salaires aux négociations conventionnelles cantonales et laisse le libre-arbitre aux entreprises d’accorder, ou pas, des primes», rapporte Camila Aros, secrétaire syndicale. Si les syndicats reconnaissent que certaines entreprises de nettoyage ont souffert de la crise sanitaire à la suite de la fermeture de certains sites, d’autres ont intensifié leurs mandats, notamment avec les exigences de désinfection. «Pour les patrons du secteur, nos prétentions sont “déconnectées de la réalitéˮ, s’indigne Montserrat. C’est sûr qu’on n’a pas vécu la même réalité...» Une nouvelle pétition des nettoyeuses reprend les trois mêmes revendications, dans l’espoir, cette fois, qu’elle aboutisse. «Nous mènerons la bataille même si cette dernière s’annonce difficile.»
Soins à deux vitesses
Infirmière depuis une dizaine d’années, Amandine travaille dans un EMS qui a été fortement touché par le Covid-19: «En règle générale, on a déjà le sentiment que le milieu hospitalier est prioritaire et que les EMS sont mis de côté, mais cette crise a aggravé la situation. Les premières semaines, nous n’avions pas assez d’équipement pour nous protéger et protéger les résidents. Par exemple, nous lavions les surblouses, pourtant à usage unique, pour qu’elles durent trois jours. Cela a créé beaucoup de stress et d’angoisses. Nous nous sommes sentis comme les délaissés de cette crise.»
Afin de revaloriser le secteur extrahospitalier genevois, qui compte 80% de femmes, une pétition a été lancée le 22 mai et sera prochainement déposée auprès des autorités cantonales. «Même si c’est un secteur subventionné, il y a des problèmes dans l’application des annuités ou de la classe salariale à l’entrée en fonction», souligne Manuel Nussbaumer, secrétaire syndical. La pétition, qui a récolté plus de 1000 signatures en une semaine, demande une prime de reconnaissance exceptionnelle de 50 francs par jour travaillé du mois de mars au mois de mai.
*Prénom d'emprunt.