Les cadeaux des élus
Ambiance glaciale sur le front de la politique sociale. La session d’hiver du Parlement s’est terminée la semaine passée par des déconvenues à répétition pour la classe laborieuse et les personnes à la retraite, femmes en tête. La majorité bourgeoise n’a eu aucun égard pour toute une frange de la population se démenant au quotidien pour joindre les deux bouts. Lors de ces derniers débats, cette égoïste majorité-là n’a pris en compte ni le renchérissement du coût de la vie, ni l’explosion des primes maladie qui connaîtront une hausse moyenne de 6,6% l’an prochain. Pas de quoi inciter le Conseil des Etats à accepter des mesures visant à alléger la facture de l’assurance de base des ménages à faible budget. Les sénateurs ont refusé l’augmentation des subsides soutenue par la Chambre basse. Et ce alors même que le pouvoir d’achat des familles les moins aisées ne cesse de s’éroder, financièrement étranglées par des coûts croissants d’électricité, des loyers, de l’alimentation, etc. Les «petits» n’ont ainsi qu’à continuer à se serrer la ceinture. Pas davantage d’empathie à l’égard des retraités: le Conseil national a pour sa part rejeté l’idée d’une 13e rente AVS sachant pourtant qu’un senior sur cinq est pauvre ou menacé de le devenir.
Même attitude méprisante à l’encontre des femmes dans le cadre de la concrétisation d’AVS 21: les dispositions d’exécution mises en consultation par le Conseil fédéral ne proposent que des compensations ridicules pour les travailleuses s’approchant de la retraite. Ce projet d’application foule aux pieds les promesses faites durant la campagne de votation remportée pourtant de justesse par le camp du oui.
Les décisions relatives à la réforme de la LPP prises par le Conseil des Etats laissent, elles aussi, un goût plus qu’amer. Avec comme conséquence pour les employées œuvrant à temps partiel dans des professions à bas salaires la nécessité de verser des cotisations au 2e pilier plus élevées, sans réelle amélioration de leurs rentes. Même topo pour l’ensemble des travailleurs les plus précaires. Autant dire que le risque de pauvreté va augmenter. Les assureurs peuvent, de leur côté, se frotter les mains.
Dans la cohorte des récentes mauvaises nouvelles, signalons encore l’acceptation particulièrement scandaleuse de la motion Ettlin, le Conseil national ayant emboîté le pas à la Chambre haute. Ce texte réclame la primauté des conventions collectives de travail de force obligatoire sur les salaires minimums cantonaux. En d’autres termes, les personnes travaillant à Genève et à Neuchâtel dans des professions à basses rémunérations – et où les femmes sont surreprésentées – sont menacées de voir leur revenu mensuel réduit de plusieurs centaines de francs selon les secteurs. Ces deux cantons ont en effet introduit, à la suite de votations populaires, un tarif horaire plancher obligatoire. Une mesure sociale désormais remise en cause par le Parlement, attaquant frontalement la démocratie directe et le fédéralisme. Un véritable affront aux personnes comptant sur leur travail pour subvenir à leurs besoins qui n’aura dans ce cas encore d’autre effet que d’accroître la misère et de pousser les travailleurs concernés vers l’aide sociale.
Voilà, à la veille de Noël, les cadeaux ficelés par la majorité des élus. Toutes celles et tous ceux qui tirent déjà le diable par la queue apprécieront... Les femmes, contraintes de travailler un an de plus, prendront toute la mesure de la tromperie des autorités. Autant dire qu’il faudra l’an prochain poursuivre le combat pour que la solidarité fasse barrage à l’égoïsme, pour que triomphe le droit à une existence digne durant la vie active comme à la retraite, et pour une égalité concrète entre les sexes.