Depuis une année, les cas de violences au sein des Centres fédéraux d’asile (CFA) sortent de l’ombre. Notamment à Bâle et à Giffers (Chevrilles) où des plaintes ont été déposées contre des agents de sécurité, et plus récemment à Boudry. En mars, dans une lettre ouverte, le collectif Droit de rester Neuchâtel dénonce un «système punitif» et «une logique de camps». Car, au-delà des cas individuels, on est bien face à une violence institutionnelle et étatique dont découlent abus de pouvoir, gestion catastrophique des conflits, utilisation immodérée du spray au poivre et de plaquages au sol, mépris, racisme, insultes homophobes, harcèlement envers des personnes vulnérables et hospitalisations à la suite d’enfermement dans des cellules dites «de réflexion». A Boudry, des requérants jugés récalcitrants sont en effet isolés pendant des heures dans des containers insalubres. Un mineur y a passé toute une nuit, alors que le règlement l’interdit. «Plusieurs témoignages attestent d’une salle sans aucun mobilier, avec des taches de sang et des odeurs de vomi et d’urine. Beaucoup en ressortent traumatisés. Une personne s’est récemment retrouvée en état d’hypothermie», dénonce le collectif Droit de rester.
Plusieurs tentatives de suicide sont attestées et un requérant d’asile est mort le 23 décembre aux abords du Centre de Boudry. Suicidaire, il était suivi par un psychiatre. Or, ce soir-là, l’accès au Centre lui a été refusé pour cause d’ivresse. Une enquête est en cours. De son côté, la Commission nationale de prévention de la torture, dans son rapport publié en janvier, pointe du doigt le manque de formation et de sensibilisation du personnel de sécurité dans les CFA. Et une prise en charge insuffisante des requérants d’asile victimes de la traite d’êtres humains, de la torture et de violences physiques et psychiques. La Commission souligne également qu’«il existe un potentiel d’amélioration considérable en ce qui concerne la manière de gérer les conflits et les griefs de violence». Celle-ci recommande aussi que les mineurs non accompagnés soient logés dans des hébergements qui leur soient réservés et que les horaires de sortie soient élargis afin de «limiter le moins possible la liberté de mouvement». Elle préconise que les sanctions soient prononcées par écrit avec des voies de droit, que les fouilles corporelles n’aient lieu qu’en cas de soupçons concrets, ainsi qu’une clarification des «modalités d’utilisation de la salle de réflexion».
Ces recommandations font écho aux revendications de Droit de rester Neuchâtel qui souligne: «Ce sont l’isolement, l’exclusion, la promiscuité et l’armada d’interdits qui accentuent les traumatismes, les addictions, le stress et les tensions.» Un encadrement social et sanitaire digne d’un Etat de droit est urgent pour «créer un climat de bienveillance, réparateur des traumatismes vécus sur la route de l’exil». Rappelons que les raisons des migrations forcées, dans ce monde globalisé, sont aussi de la responsabilité de la Suisse. Or, aujourd’hui, les victimes sont considérées comme de potentielles criminelles isolées dans des centres gérés par des sociétés de sécurité privées cotées en Bourse. L’asile est devenu un outrageux business.