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Les journalistes privilégient la sécurité

Les journalistes romands disent oui à la nouvelle convention collective de travail, mais du bout des lèvres...

Vote de raison... Réunie en congrès extraordinaire, l'association des journalistes Impressum a finalement accepté, le 17 décembre dernier, la nouvelle convention collective de travail revue à la baisse par les éditeurs. Parmi les principaux changements figure la question des négociations salariales qui, désormais, se dérouleront au sein des entreprises et non pour toute la branche. Contrairement aux attentes de nombreux professionnels des médias, l'accord ne renforce en outre pas la frontière entre rédactionnel et publicité.


Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras... En acceptant la Convention collective de travail (CCT) revue à la baisse par les éditeurs, Impressum a fait le choix du moindre mal. «C'est un oui de raison à un texte de référence», déclare Mathieu Fleury, secrétaire central d'Impressum. Adopté par les trois quarts des délégués réunis le 17 décembre dernier en congrès extraordinaire, le nouvel accord fixe un barème des minima salariaux moins favorable que l'ancien et supprime l'indexation automatique au coût de la vie. Il déplace aussi désormais les discussions sur les revenus au sein des entreprises et non plus pour l'ensemble de la branche. «Nous devrons dès lors préparer nos troupes à une culture de la négociation.»

Rattraper les différences...
Si Impressum déplore ces changements, il est bien décidé - aux côtés des sociétés de rédacteurs - à participer aux pourparlers qui interviendront sur les salaires. «Les directions peuvent poser leur veto, mais nous serons très fermes sur ce sujet. Nous entendons nous bagarrer et rattraper les différences par ce biais-là.» En ce qui concerne les barèmes minimaux, ceux-ci seront rediscutés tous les trois ans entre Impressum et Presse suisse et/ou en cas d'inflation importante, plus précisément si l'indice officiel suisse des prix à la consommation atteint 5%. A noter que ces tarifs ont un caractère contraignant. Faisant office de «plancher absolu», ils ne reflètent pas nécessairement les salaires réels payés. D'où les espoirs d'amélioration d'Impressum.

Halte aux dérégulations
Gagnant sur la nouvelle CCT, les éditeurs ne seront-ils pas tentés de durcir le ton chaque année? Mathieu Fleury n'exclut pas ce risque expliquant toutefois que la situation prévalant outre-Sarine a aussi influencé le résultat du scrutin. «Par ce vote, Impressum veut mettre un terme à la dérégulation. Nous souhaitons montrer aux éditeurs alémaniques que le partenariat social a bel et bien un avenir, même dans les circonstances actuelles.» Quoi qu'il en soit, l'association s'est engagée auprès de ses membres à suivre de très près le champ d'application de la CCT. «Nous accorderons aussi une attention toute particulière au traitement des rédacteurs qui n'ont pas le statut de journalistes professionnels et, du coup, ne bénéficient pas des conditions fixées dans la convention. Nous nous mobiliserons pour que cette tendance cesse.»

Question de sécurité
Reste que l'adoption de la convention révisée s'est faite sans enthousiasme. En automne dernier, Impressum avait déjà consulté une première fois ses adhérents. Sur les 600 journalistes ayant donné leur point de vue, plus de 400 s'étaient montrés défavorables à la nouvelle mouture. «Nous avons par la suite obtenu quelques améliorations par rapport à l'offre initiale des éditeurs et demandé aux sections de procéder à un second tour de consultations.» Cette dernière prise de température a débouché sur une recommandation du «oui», les professionnels des médias ayant privilégié la sécurité à un vide contractuel. Un souci très présent auprès des libres qui ont plébiscité un maintien du partenariat plutôt que d'encourir les mêmes risques que leurs confrères alémaniques, premières victimes de l'absence d'une CCT.

Un contexte lourd
Bien que largement soulevées aux cours des discussions, les questions déontologiques n'ont pas fait l'objet de clauses particulières dans la convention. Aucun garde-fou supplémentaire n'a été érigé pour faire barrage aux insidieux mélanges entre publicité et rédactionnel, pour délimiter clairement les besoins du marketing et l'information. Non seulement les journalistes voient leurs acquis réduits, mais ils devront continuer à se battre, chacun dans leur rédaction, pour défendre les fondements de leur profession et faire front aux exigences de leurs éditeurs. Des patrons qui demandent toujours davantage à leurs employés. En plus de leur travail ordinaire, nombre de journalistes se chargent aussi de travaux graphiques, photographiques, de correction, etc. Quant aux budgets nécessaires à la réalisation d'enquêtes et de reportages, ils diminuent comme peau de chagrin. Pris en tenaille entre l'info-marchandise et le manque de temps et d'argent, les professionnels des médias se contenteront aussi désormais d'une CCT au rabais. Mais par les temps qui courent, c'est mieux que rien...

Sonya Mermoud