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Les partenaires d’Uber dans le viseur

Intérieur de voiture à travers une sorte de viseur.
© Olivier Vogelsang

Avec la location de services, les missions des chauffeurs seraient entièrement payées, alors qu’aujourd’hui, le temps d’attente entre deux courses n’est toujours pas rémunéré.

A Genève, l’Office cantonal de l’emploi veut soumettre les sous-traitants de la multinationale à la location de services, qui offre de meilleures conditions aux chauffeurs. Une exigence partagée par Unia qui réclame que les missions des conducteurs soient entièrement payées, intégrant les temps d’attente entre deux courses

La RTS a fait état la semaine dernière de la décision de l’Office cantonal de l’emploi genevois de soumettre les sociétés dites partenaires d’Uber, MITC Mobility et Chaskis, à la location de services. Pour mémoire, au printemps 2022, après les arrêts du Tribunal fédéral considérant Uber comme un employeur, l’entreprise de transport californienne a transféré ses conducteurs de la région lémanique à un sous-traitant, MITC Mobility. Cette société prétend avoir mis sur pied un «nouveau modèle d’activité» conforme aux exigences légales. Sauf que le temps d’attente, par exemple, n’est toujours pas rémunéré. Une autre société, Chaskis, qui opère déjà dans le volet de la livraison de repas pour Uber Eats, a créé une filiale pour le transport de personnes sous le nom de Chaskis Rides. Il ne fait guère de doute que la conduite opérationnelle de ces sociétés est entre les mains du donneur d’ordre. Des documents internes à Chaskis, que Le Temps a publiés, mettent sérieusement en doute l’indépendance de ces structures. Quoi qu’il en soit, le Canton de Genève a constaté qu’Uber et ces deux entreprises pratiquaient la location de services. Or, ce statut implique un nombre d’obligations et, en premier lieu, d’obtenir le feu vert des autorités. L’Etat a exigé au mois de janvier que ces sociétés cessent leurs activités jusqu’à l’obtention d’une autorisation en bonne et due forme. Elles ont fait recours contre cette décision et obtenu de la Chambre administrative de la Cour de justice des mesures superprovisionnelles leur permettant de continuer à exercer.

Mettre fin à un soutien passif...

Et maintenant que va-t-il se passer? Présent depuis dix ans en Suisse, Uber est toujours parvenu, au jeu du chat et de la souris, à opérer en dehors de la légalité. La multinationale va-t-elle enfin se mettre en conformité? Ou, de recours en recours, repousser aux calendes grecques une décision de justice à l’encontre de ses sociétés complices? Va-t-elle sortir de son chapeau un «nouveau modèle»? Ou encore piloter la reprise des chauffeurs par une autre société partenaire? Mais ce ne sera peut-être pas aussi simple, car la Loi genevoise sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur, qui vient d’entrer en vigueur, implique désormais, là également , d’obtenir une autorisation.

Unia avait aussi remarqué qu’Uber avec ses partenaires pratiquent la location de services et avait exigé que leurs activités soient arrêtées. Responsable de la branche transport du syndicat, Roman Künzler ne donne pas pour autant un satisfecit au Canton de Genève: «La décision aurait dû être prise plus tôt et rendue publique. Même s’il peut exister des contraintes de procédure, des centaines de chauffeurs sont concernés et ils doivent pouvoir se préparer à un arrêt d’activité.» Le syndicaliste espère que la décision genevoise «mettra la pression» sur les autres cantons et que «cesse ce soutien passif que les Uber Files ont mis en évidence».

Mais quels sont les avantages de la location de services pour les chauffeurs? «Dans la location de services, les missions doivent être planifiées à l’avance et entièrement payées. La CCT de la location de services accorde une cinquième semaine de vacances dès l’âge de 50 ans. Elle permet des contrôles des conditions de travail et d’engagement par la commission paritaire. La location de services implique enfin l’obtention d’une autorisation délivrée par les cantons, qui peuvent la retirer si les lois ne sont pas respectées.»

Vers une meilleure protection dans l’UE

Jeudi dernier, le Parlement européen a approuvé la proposition de la Commission de renforcer les droits des travailleurs des plateformes. Bruxelles veut créer une présomption de salariat autour de cinq critères: le fait qu'une plateforme fixe les niveaux de rémunération, supervise à distance les prestations, ne permet pas à ses employés de choisir leurs horaires ou de refuser des missions, impose le port d'uniforme ou encore interdit de travailler pour d'autres entreprises. Si deux critères sont remplis, la plateforme serait présumée employeur et devrait se soumettre aux obligations du droit du travail. La législation définitive doit encore être discutée par les Etats membres. Hasard du calendrier, au même moment à Berne, la Commission des affaires juridiques du Conseil national rejetait une initiative allant dans ce sens déposée par Christian Dandrès (PS/GE). «Ce contraste est saisissant et le refus d’agir de la droite suisse est déplorable. L’impact des plateformes sur les conditions de vie des salariés n’est pas moins violent en Suisse qu’en Europe», déplore le conseiller national.

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