Les Verts au sommet, le PS décline, l’UDC s’enfonce
Les Verts sont les grands vainqueurs des élections fédérales. Mais que faire de cette victoire, alors que les socialistes déclinent? La déculottée de l’UDC va peut-être leur faciliter la tâche
Les Verts sont les grands vainqueurs des élections fédérales 2019. Ils ont enregistré une progression de 6,1%, totalisant 13,2% des suffrages et gagnant 17 sièges au Conseil national et 4 au Conseil des Etats. Jamais une telle percée n’avait été observée depuis l’introduction de la proportionnelle, en 1919! Compte tenu de sept pertes socialistes et d’un gain de la gauche radicale, la gauche gagne 15 sièges à l’Assemblée fédérale. Résultat d’autant plus réjouissant que l’UDC et ses alliés ont perdu 13 sièges.
Les manifestations sur le thème du climat ont été nombreuses et les Verts en ont tiré parti. La grève générale des femmes du 14 juin aussi a eu une influence. La proportion des femmes au Conseil national a grimpé de 32 à 42%, la Suisse s’élevant ainsi du 37e au 11e rang mondial. Les femmes doublent leur représentation au Conseil des Etats, passant de six à douze et battant le record de 2003.
Socialistes: trop de compromis
Le PS suisse est considéré comme l’un des plus à gauche et l’un des plus écologiques d’Europe. Dès lors, comment comprendre qu’il n’ait obtenu que 16,8% des suffrages, son plus mauvais score depuis 1919. Quelques pistes:
• Un parti d’opposition, comme les Verts, a plus de facilités à se profiler qu’une formation gouvernementale. Tous les partis représentés au Conseil fédéral ont perdu des plumes.
• La participation au Conseil fédéral est problématique pour le PS, par exemple lorsque l’un de ses ministres défend le relèvement de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans. Le PS a perdu 10 points depuis l’entrée de deux socialistes au Conseil fédéral, en 1959.
• Dans plusieurs cantons (Neuchâtel, Zurich, Berne, Soleure), les pertes du PS découlent d’une politique socialiste par trop libérale. Cela fait dire à Bertil Munk, vice-président de la Jeunesse socialiste: «Le PS s’est trop déplacé vers le centre. Nous ne pouvons pas convaincre les gens avec une politique tiède de compromis.»
• Les Verts occupent aujourd’hui davantage de fonctions dirigeantes dans les syndicats et le mouvement associatif. Présidente d’Unia, Vania Alleva est membre des Verts, de même que Katharina Prelicz-Huber, présidente du SSP, et Daniel Lampart, chef du secrétariat de l’USS. Directrice de la Fédération romande des consommateurs (FRC) et nouvelle conseillère nationale, Sophie Michaud Gigon fait aussi partie des Verts.
• La «galaxie verte» (WWF, Greenpeace, etc.) semble être un meilleur point d’appui pour les Verts que ne le sont les syndicats pour le PS, en raison du poids de l’immigration au sein du mouvement syndical: 57% des membres d’Unia sont des migrants qui n’ont pas le droit de vote.
Forte présence syndicale
A la suite de la non-réélection de deux dirigeants syndicaux, les socialistes bernois Corrado Pardini (Unia) et Adrian Wüthrich (Travail.Suisse), beaucoup ont conclu au déclin du syndicalisme sous la Coupole fédérale. Or, ils seront près d’une trentaine d’élus à avoir un engagement syndical. En particulier les socialistes Paul Rechsteiner et Pierre-Yves Maillard (ancien et nouveau présidents de l’USS), ainsi que leurs camarades Samuel Bendahan, Christian Dandrès, Pierre-Alain Fridez, Christian Levrat, Ada Marra, Mathias Reynard, Carlo Sommaruga et Regula Rytz (Verte). Du côté des employeurs, il y a aussi eu deux échecs importants, ceux de Jean-François Rime (UDC, Fribourg) et de Hans-Ulrich Bigler (radical, Zurich), président et directeur de l’USAM. Mais la majorité du Parlement reste idéologiquement proche du patronat.
Travailler avec les mouvements sociaux
Pour le PS et pour les Verts, la priorité n’est pas de savoir si ces derniers doivent entrer au Conseil fédéral, mais de bâtir un projet alternatif à celui de la droite. Projet qui doit aussi être porté par les syndicats et le mouvement associatif. Car les plus grands changements ne sont pas venus des institutions, mais des mouvements sociaux. En 1936, les partis de gauche formant le Front populaire avaient gagné les élections, mais les plus grandes réformes (congés payés et semaine de 40 heures), ont été le fait de millions de travailleurs en grève. La gauche doit mettre en route les «utopies de demain»: semaine de 4 jours, retraite après 40 ans de cotisations ou progressive, formation durant toute la vie, Europe politique, sociale et écologique.