L’humain doit reprendre ses droits
Mi-avril, via son service d’information, le Centre patronal vaudois se réjouissait de l’assouplissement progressif des mesures de protection décidé par le Conseil fédéral. Un assouplissement nécessaire, écrit l’un de ses secrétaires, pour que l’économie reprenne ses droits. Et surtout, que l’on arrête de rêver. «Il faut éviter que certaines personnes soient tentées de s’habituer à la situation actuelle, voire de se laisser séduire par ses apparences insidieuses: beaucoup moins de circulation sur les routes, un ciel déserté par le trafic aérien, moins de bruit et d’agitation, le retour à une vie simple et à un commerce local, la fin de la “société de consommation”…» L’auteur de ces lignes ajoute que «cette perception romantique est trompeuse», nombre d’habitants ayant vécu cette période de ralentissement de manière très pénible, ce que l’on ne dément bien évidemment pas. Cependant, le message est clair: si chacun a le droit de tirer des leçons de la crise, l’activité doit reprendre rapidement et pleinement. Le temps de réfléchir à une autre manière de vivre et de produire, de penser une société qui prenne en compte chacun de ses individus, est terminé. Il faut se remettre au boulot, à la production, à la consommation. Et plutôt deux fois qu’une.
C’est une évidence, la période de semi-confinement a été douloureuse pour de très nombreuses personnes, et les conséquences frappant les salariés, les petits indépendants, les migrants et tous les précaires, sans emploi et sans revenu, sont terribles. Les inégalités, la pauvreté, déjà présentes dans notre pays, se sont accrues et sont sorties au grand jour. Or la reprise telle que souhaitée par le patronat ne va offrir aucune solution à cette situation, au contraire. Il s’apprête déjà à faire payer le prix de la crise sanitaire, et celui de la crise économique, à ceux qui créent les richesses, les travailleurs. Il faut repartir comme avant, nous disent-ils, et mieux qu’avant… Pour cela, il faut faire sauter toutes les réglementations, étendre la durée du travail, les ouvertures des commerces. Il faut bloquer les salaires et la protection sociale, diminuer le coût du travail pour que le capital reprenne ses droits et sa chasse au profit. Tel est le programme de relance des associations patronales et de la droite.
Pourtant, ce n’est pas aux salariés, ni aux retraités, ni aux enfants, de payer cette crise. Les politiques libérales ont détruit les infrastructures de santé. Elles ont détruit les capacités de l’Etat à coup de programmes d’austérité et de cadeaux fiscaux. Faut-il reprendre le rythme de travail effréné que nous avions avant l’arrivée du Covid-19, révélateur d’un système allant droit dans le mur? Et cela au détriment de notre santé? Faut-il que toutes les personnes qui sont montées au front dans les hôpitaux, les EMS ou les magasins replient l’échine en se contentant de conditions de travail et de salaires indécentes?
Le patronat siffle la fin de la récréation: nous devons cesser de rêver et remettre nos œillères pour que la marche au profit puisse reprendre de plus belle pendant que certains ne se privent pas de licencier tout en bénéficiant de soutiens étatiques. Face à l’avenir de déréglementation proposé par les patrons, opposons une forte résistance aux plans annoncés, et avançons ensemble pour remettre la société sur pied en donnant la priorité aux besoins de la population, dans le respect de la planète. L’humain doit reprendre ses droits, pas l’économie.