Les espoirs exprimés par Ursula von der Leyen lors de l’accueil de Guy Parmelin à Bruxelles vendredi ont été douchés. Son souhait d’une «nouvelle impulsion à la finalisation de l’accord-cadre dans un délai court» n’a pas survécu à la rencontre. L’accord est aujourd’hui dans une impasse. Et c’est tant mieux pour les salariées et les salariés de Suisse et pour tous ceux qui sont appelés à travailler dans nos frontières. Le président de la Confédération a porté le message d’une Suisse divisée sur de nombreux points, mais unie dans le refus d’un accord remettant en cause sa souveraineté, notamment sur la protection des salaires helvétiques. Des salaires les plus élevés d’Europe certes, mais pour certains travailleurs insuffisants pour vivre.
Parmelin est allé requérir le retrait de trois éléments litigieux: la protection des salaires, les aides de l’Etat et la directive européenne sur la citoyenneté. La réponse a été cinglante: «Il n’est pas acceptable de supprimer de l’accord les trois points qui posent problème à la Suisse», a lancé peu après la rencontre le porte-parole de la Commission européenne. Pourtant le président de la Confédération avait lâché du lest en annonçant à Ursula von der Leyen que la Suisse acceptait la «reprise dynamique du droit européen» dans sa législation. Cette reprise est la pierre angulaire de l’accord-cadre, dont l’objectif est de créer un cadre juridique institutionnel chapeautant cinq des sept premiers accords bilatéraux conclus en 1999, dont ceux sur la libre circulation des personnes, le transport aérien, le transport des marchandises et des voyageurs et celui sur les échanges de produits agricoles.
L’accord-cadre n’est pas près de voir le jour. La suppression, ou la modification des mesures d’accompagnement, comme la règle des huit jours qui passerait à quatre jours ou la limitation des cautions pour les entreprises détachant des travailleurs, est hors de question pour les syndicats suisses. Qui refusent également une reprise automatique de la jurisprudence de la Cour européenne en matière de conditions de travail. Cette dernière ayant à plusieurs reprises autorisé le dumping salarial au motif que certaines conventions collectives ou autres réglementations locales sont des obstacles à la libre concurrence.
Cette ligne rouge syndicale est à défendre bec et ongles. D’autant plus dans la situation de crise sanitaire et économique dans laquelle est plongée notre pays. La hausse massive du chômage et du sous-emploi va, elle aussi, susciter une énorme pression sur les salaires et les conditions de travail. Les menaces de licenciements et de fermetures d’entreprises sont là. L’offensive patronale a commencé, comme l’atteste la situation chez Swissport où la direction impose des baisses de salaire massives en contrepartie du maintien des emplois. Les petits boulots, sans protection, se multiplient. La précarisation avance à grands pas, touchant en priorité les travailleuses et les travailleurs les moins bien lotis, dont nombre d’entre eux, au chômage, ont subi d’énormes pertes de revenus.
Pour défendre cette ligne rouge, pour empêcher le dumping et le nivellement par le bas, la résistance est à l’ordre du jour. Le premier pas, c’est la mobilisation. Et c’est aussi le renforcement des syndicats, organisations de défense collective des salariés. Ce samedi 1er Mai, des rassemblements ou des événements auront lieu aux quatre coins du pays. Saisissons ces espaces de liberté retrouvée, même si elle est encore restreinte, pour montrer que tous ensemble, nous sommes une force à même d’affronter les défis actuels et à venir. Bon 1er Mai à toutes et à tous!