Menace sur les droits fondamentaux
Des organisations de la société civile ont remis aux autorités des vingt plus grandes villes de Suisse une pétition munie de plus de 10000 signatures pour exiger l’interdiction de la reconnaissance faciale automatisée
Barrage à un Big Brother contemporain, incarné par la menace d’une surveillance massive via des systèmes de reconnaissance biométrique. La semaine passée, l’alliance «Stop à la reconnaissance faciale» a transmis aux exécutifs des vingt plus grandes villes de Suisse, ainsi qu’aux chefs-lieux de cantons échappant à cette liste, une pétition munie de plus de 10000 signatures pour réclamer l’interdiction au recours à cette technologie. La coalition – qui réunit Amnesty International Suisse, AlgorithmWatch Suisse et la Société numérique – juge la reconnaissance faciale automatisée incompatible avec le plein exercice des droits fondamentaux. «Cet outil viole la sphère privée et dissuade les gens d’exercer des droits fondamentaux tels que la liberté d’expression ou de rassemblement. Il est nécessaire d’y renoncer, en particulier en milieu urbain – où les dangers d’un tel usage sont plus élevés – mais aussi partout ailleurs», alerte Nadia Boehlen, porte-parole d’Amnesty International. L’alliance a commencé le 16 mai par remettre la pétition en mains propres à Grégoire Junod, syndic de Lausanne; puis, le lendemain, à Daniel Leupi, conseiller municipal à Zurich, en raison d’interventions politiques déjà effectuées dans ce sens dans ces agglomérations, avant de la diffuser plus largement.
Disproportionné...
La coalition se dit particulièrement préoccupée par l’expansion des systèmes de reconnaissance faciale en Europe, notant qu’à l’heure actuelle, la Suisse ne dispose pas de moyens légaux pour en empêcher l’usage. «Cette technologie, couplée aux installations vidéo en place, permet une surveillance de masse. Londres et Nice recourent à ces systèmes d’identification. Dans nos frontières, les polices les utilisent déjà dans certains cantons – comme Vaud, Neuchâtel, Schaffhouse, Argovie et Saint-Gall – lors de procédures pénales, à des fins de vérification. De la vérification à l’identification, il n’y a qu’un pas...» Pour les militants, il est donc urgent d’anticiper et de poser un cadre légal clair. Angela Müller, d’AlgorithmWatch, ajoute, dans un communiqué: «Si nous savons que nous pouvons être identifiés chaque fois que nous nous trouvons dans l’espace public, nous n’oserons plus, en certaines circonstances, exprimer librement notre opinion, participer à une manifestation ou nous rendre dans des lieux susceptibles de révéler notre appartenance religieuse ou notre orientation sexuelle. La reconnaissance faciale dans l’espace public restreint nos droits fondamentaux de manière disproportionnée.» Un risque propre à saper des principes démocratiques essentiels.
Les organisations de la société civile attendent maintenant une réponse à la requête des signataires. Et demandent l’établissement d’une législation rendant impossible la surveillance biométrique massive. La coalition étudie encore les démarches à entreprendre pour «écarter la menace d’une introduction progressive» de cette technologie.