Ni le bon moment ni le bon secteur!
Le Conseil fédéral persiste dans sa volonté de libéraliser totalement le marché de l’électricité
«Annoncer maintenant une ouverture du marché est une erreur et une provocation.» L’Union syndicale suisse (USS) s’est offusquée, le 3 avril dernier, de l’annonce faite par le Conseil fédéral d’aller vers une ouverture complète du marché de l’électricité, en englobant cette libéralisation dans son projet de renforcement des énergies renouvelables, lesquelles devront être compétitives, comme le souligne le gouvernement. A la suite de la consultation sur la révision de la Loi sur l’approvisionnement en électricité (LApEl), terminée il y a un peu plus d’une année, le Conseil fédéral a décidé des grandes lignes du projet final qui sera présenté d’ici au début de 2021. Il a aussi mis en consultation une révision de la Loi sur l’énergie (LEne), contenant les aspects relatifs aux énergies alternatives. Or, estime l’USS, ces projets tombent au plus mal: «Ce n’est ni le bon moment ni le bon secteur, pour procéder à des expérimentations fondées sur la logique du marché!»
Tout d’abord, l’épidémie de coronavirus a fait chuter «abruptement» la demande en électricité en raison du ralentissement économique et de la réduction des transports publics. «Les fournisseurs d’électricité ont fort à faire avec cette situation complètement inédite d’importantes baisses de la consommation, qui devrait durer encore plusieurs semaines», écrit la faîtière syndicale dans son communiqué. Plutôt que d’annoncer cette ouverture totale, «le Conseil fédéral serait bien mieux avisé de chercher comment aider la branche de l’électricité à traverser cette crise et comment utiliser la reprise qui suivra comme un tremplin pour une transition plus rapide vers une production d’énergie exempte de CO2», poursuit-elle.
Il y a ensuite la position défendue depuis des années par l’USS: «Une ouverture complète du marché de l’électricité ne profiterait ni à l’industrie, ni à la population, ni à la branche.»
Système actuel efficace
Rappelons que, depuis 2009, seules les grandes sociétés consommant plus de 100000 kilowattheures peuvent se fournir sur le marché libre. Une ouverture totale, permettant à des petites entreprises ou à des ménages de choisir entre de nombreux opérateurs, a eu des effets néfastes ailleurs en Europe. En Allemagne par exemple, le prix du kWh a pratiquement doublé en vingt ans. En France, elle n’a pas empêché EDF de garder la main en misant sur l’énergie nucléaire.
Pour l’USS, le système helvétique démontre toute son efficacité: «Depuis plus de dix ans, la Suisse affiche des prix modérés et stables pour l’électricité, dispose du réseau d’approvisionnement le plus fiable de toute l’Europe et d’une production de courant toujours plus écologique. Les services industriels urbains font preuve d’une grande capacité d’innovation, le réseau – très dense – est bien entretenu et résistant.» L’USS rejette ainsi la libéralisation de cet approvisionnement qui «fait partie du service public indispensable».