Le SEV fête cette année son 100e anniversaire. Un bus-exposition relate le parcours du Syndicat du personnel des transports, créé un an après la grève générale de 1918
Une année d’événements pour célébrer les 100 ans du SEV! Le 30 novembre 1919, presque un an jour pour jour après la grève générale en Suisse, lors de laquelle les cheminots ont joué un rôle de premier plan, le Syndicat du personnel des transports était créé par la fusion de quatre fédérations. Ces dernières représentaient les mécaniciens de locomotive, le personnel des trains, celui des bateaux à vapeur et les employés d’autres entreprises de transport. Cent ans plus tard, c’est avec l’inauguration d’une locomotive aux couleurs du SEV que le coup d’envoi des festivités a été donné, en février dernier à Bellinzone. Alors que la loco du SEV circule depuis dans tout le pays, c’est un bus qui a ensuite été affrété pour faire le tour de la Suisse. Un bus-exposition, parti de Berne début juin qui y retournera le 30 novembre pour la journée anniversaire. Avant les vacances estivales, le bus s’est arrêté en Suisse romande, à Genève, Lausanne puis Saint-Maurice, avant de repartir vers la Suisse alémanique et le Tessin, conduit vers chaque étape par un chauffeur membre du SEV. Après avoir fait escale à Bienne le week-end passé, il est de retour en terres romandes. Il s’arrêtera à Yverdon-les-Bains le 30 septembre, puis début octobre à La Chaux-de-Fonds, Delémont et Fribourg (voir dates ci-dessous).
Sur la place de l’Europe à Lausanne, en cette journée caniculaire de juin, des militants du SEV font corps autour de leur bus du centenaire. Les uns à l’accueil et à l’accompagnement des visiteurs, les autres au stand de grillades et de boissons. Ils sont une bonne quinzaine. Le soir même, Aïssam Echchorfi, chauffeur aux Transports publics lausannois (TL), conduira le véhicule jusqu’à Saint-Maurice, où la locomotive du SEV devait, elle aussi, marquer le passage. Sur toute la tournée suisse, plus de 200 militants se sont engagés pour l’animation de la soixantaine de haltes prévues pour le bus-exposition. «Tout est fait par la base», se félicite Giorgio Tuti, président du SEV, présent à Lausanne.
Mandat de la base
Cet engagement militant est déterminant pour le SEV. Un véritable syndicat de milice. «Notre grande fierté, notre grande richesse, ce sont nos militants», souligne le nouveau vice-président du syndicat, Christian Fankhauser, lui aussi sur place ce jour-là. «Ils sont le tissu du syndicat. Ce centenaire démontre que les militants du SEV font le SEV. Chaque entreprise a un comité de section, ce sont nos hommes de confiance, nos yeux, nos oreilles. Grâce à ça, nous sommes très présents dans les entreprises. Et dans les boîtes, nos membres recrutent des membres, c’est ça la force de notre organisation.» L’ancien coordinateur du SEV à Lausanne explique le rôle des comités dans les entreprises, qui négocient directement avec l’employeur. «Nous sommes branchés sur le terrain, nous agissons directement, avec le mandat de notre base, nous relayons les préoccupations et défendons les revendications des collègues. On ne décrète pas ce qui est bien pour nos gens, c’est eux qui le savent et le définissent. Cette pratique assure notre présence syndicale. Les directions essaient bien sûr de nous contrer, mais cette présence est notre force. Nous syndiquons entre 50 et 80% du personnel selon les entreprises, et même 95% à la CGN, 80% aux Transports publics fribourgeois. Aux Transports lausannois, le taux est un peu plus bas, d’environ 50%, mais 70 à 80% des chauffeurs et du personnel technique sont syndiqués.»
La grève hier et aujourd’hui
Le SEV apporte son soutien aux quelque 40000 employés des transports publics en Suisse. «C’est une branche très compacte, avec le rail, les bus, la navigation, le transport touristique et le personnel au sol dans l’aviation, à Genève et à Zurich. Nous avons une organisation très homogène, avec une structure horizontale de miliciens de base et peu de secrétaires professionnels à la différence d’un syndicat comme Unia», souligne le président Giorgio Tuti, indiquant que le personnel du SEV se compose d’une septantaine de personnes, représentant soixante emplois à plein temps. Lui-même a été engagé à la fin des années 1990. En raison de son expertise de secrétaire syndical SIB en matière de convention collective de travail (CCT). C’est que le statut de fonctionnaire allait tomber. Une CCT devait être négociée dans le cadre de la transformation des CFF en société anonyme. Depuis, le SEV est partenaire de 70 CCT aux niveaux national, régional, cantonal ou par branche. «Nous avons rendu le SEV CCT-compatible», note celui qui compte aujourd’hui dix ans de présidence.
A l’occasion du 100e anniversaire, Giorgio Tuti revient sur l’importance de la grève de 1918 dans l’histoire du SEV: «Les leçons de la grève générale ont permis de fonder le SEV. C’était un pas logique. Si les cheminots avaient été plus coordonnés, plus compacts, plus organisés, la grève générale aurait pu avoir une meilleure issue. Il y avait bien eu des tentatives de coordination entre tous les syndicats des transports avant 1918. Mais ce n’est qu’après la grève générale que cela a été rendu possible. Il existait depuis bien longtemps des sous-fédérations. Celle des mécaniciens de locomotive, par exemple, a plus de 130 ans. Après la création du SEV, il y a eu en 1927 l’introduction du statut de personnel fédéral qui interdisait le droit de grève aux CFF. Bien sûr, le syndicat était contre, mais il n’a pas pu l’empêcher. Et aujourd’hui, la CCT des CFF prévoit une paix absolue du travail. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les grèves ont fusé, hors des CFF, dans les entreprises de transport concessionnées. Après la guerre, comme un peu partout dans les autres secteurs de l’économie, nous avons obtenu des améliorations vraiment sensibles.»
Cent ans après sa création, le SEV a-t-il gardé ses traditions de lutte? «Le SEV n’est pas un syndicat qui fait souvent la grève, mais quand il en fait, elles sont très longues: aux ateliers CFF de Bellinzone, elle a duré 33 jours. Il y a deux ans, celle des employés de la Société de navigation du lac Majeur a été de 20 jours. Il y en a aussi eu des très courtes, comme la grève des TPG, organisée par nos militants en 2014. En 24 heures de blocage total, nous avons obtenu gain de cause. Toutes nos grèves ont eu des impacts victorieux. Ces dernières années, les directions nous prennent au sérieux quand on dit: “Attention, on va lancer des mesures de lutte.” Souvent, elles renoncent à leurs projets, elles savent qu’on a les moyens de le faire, qu’on a la force de frappe nécessaire!»