A la suite de l’Appel du 4 mai, des manifestations se sont déroulées dans différentes villes romandes pour exiger un redémarrage humaniste et durable de l’économie. Reportage à Lausanne
Ambiance singulière cette dernière semaine sur la place de la Palud à Lausanne mais aussi dans d’autres endroits de la ville. Sur le coup de midi, plusieurs dizaines de manifestants ont investi l’espace public dans le calme. Chaque participant a pris place dans un carré de 4 m2dessiné à la craie sur le sol ou délimité avec de la ficelle, afin de respecter la prescription sanitaire de distance sociale. Formant une chaîne aux maillons séparés, les personnes ainsi installées ont applaudi, soufflé dans des sifflets, donné de la voix, scandé des slogans ou encore brandi des panneaux imprimés d’un «Pas de retour à l’anormal», en d’autres termes à la situation prévalant avant la pandémie. But du rassemblement: donner de la visibilité à leur soutien à l’Appel du 4 mai (voir notre dernière édition). Pour mémoire, ce texte, signé par plus de 54000 personnes et remis aux parlementaires, exige un redémarrage humaniste et durable de l’économie.
Insomnies...
Tirant sur une cigarette électronique, Nina, 47 ans, travailleuse sociale, précise la raison de sa présence: «Nous ne voulons pas recommencer comme avant. La relance va déjà dans le mauvais sens, sans tenir compte de l’urgence climatique. Nous disposons pourtant aujourd’hui d’une véritable occasion de faire des transformations.» Son voisin, Nicolas, 28 ans, étudiant en sciences du sport renchérit: «Le Covid-19 doit servir de tremplin à des changements en profondeur en vue d’une économie responsable. Il faut mettre un terme au versement de dividendes et aux investissements dans les énergies fossiles. C’est tellement choquant. Je n’en dors pas la nuit.» Et le jeune homme de fustiger l’absence de mesures prévues en faveur du climat malgré les rapports alarmistes des experts. «Il nous reste peu de temps pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. La planète risque de devenir une étuve. Des écosystèmes entiers, dont nous faisons partie, disparaissent. Nous sommes là par devoir éthique.» Une autre travailleuse sociale, Véronique, 40 ans, dénonce, quant à elle, la posture du Conseil fédéral qui, dans la première phase de confinement, a privilégié les géants de la distribution. «On a favorisé les grandes surfaces. Scandaleux. Mais si la pandémie a mis en lumière certaines injustices, le drame climatique, encore plus dangereux, les accroîtra. Dans tous les cas, une redistribution des richesses s’impose.»
Confinés neuf mois par an
«La crise qui se profile va encore appauvrir les personnes les plus fragiles de la société, ajoute Nina. Et alors que les travailleurs les plus précarisés ont œuvré en première ligne. Au niveau de l’environnement, le redémarrage envisagé est pure folie, notamment avec le soutien à l’aviation. Il nous faut absolument repenser local, biologique, privilégier nos semences, rompre avec la dépendance aux grands groupes, revaloriser l’agriculture de proximité, nous réapproprier notre autonomie. L’urgence est totale.» Pour Véronique, si tout redevient comme avant, on ira droit dans le mur, vers une multiplication des crises: «La Terre a réagi au mal qu’on lui fait entre élevages industriels, mépris du vivant, fonte du permafrost, etc. Le Covid-19 en est l’expression. Si on continue sur la même lancée, on risque bien d’être confinés neuf mois par année.» A l’issue de la manifestation, Marie, une costumière-scénariste de 27 ans, a lancé un «A demain!». Un engagement pour l’avenir...