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Pas question de faire payer aux salariés le naufrage de la spéculation

Les syndicats s'insurgent contre le plan d'aide à l'UBS. Ils affichent également leurs exigences

L'Union syndicale suisse juge inadmissible l'absence de contrôle démocratique dans le plan de sauvetage de l'UBS et déplore le recours aux fonds publics pour éponger les pertes des spéculateurs. L'USS et Unia demandent l'instauration urgente d'un plan de soutien du pouvoir d'achat et des augmentations de salaires. Des mouvements de protestation se font jour.

Un âge de la retraite flexible? Une retraite anticipée pour celles et ceux qui triment au travail avec des salaires trop modestes pour se la payer? «Vous n'y pensez pas, c'est trop cher, les caisses sont vides» nous ressassent doctement les gouvernants politiques et économiques. L'argent manque? Mais comment a-t-on fait pour trouver en quelques jours 68 milliards de francs pour venir au secours de l'UBS, une somme colossale qui suffirait à couvrir la retraite flexible pendant trois générations?

Mettre fin à la folie financière
Pour mémoire, ce renflouage de l'UBS est composé d'une participation de la Confédération de 6 milliards dans le capital de la banque et d'une reprise en garantie, par la Banque Nationale, de 62 milliards de crédits pourris voués au parcage dans une société ad hoc à créer au paradis fiscal des îles Caïmans. Au total, cela représente 10000 francs par personne en Suisse, bébés compris, autrement dit 40000 francs par famille de deux enfants! L'Union syndicale suisse (USS) s'élève contre ce plan antidémocratique. La déconfiture de l'UBS «signe l'échec total d'une politique économique qui a amené la Suisse au bord du gouffre», tempête Paul Rechsteiner, président de l'USS. «Comme le système qui a failli ne peut être sauvé que par une intervention extraordinairement massive des pouvoirs publics, cela signifie premièrement qu'il appartient aux instances démocratiques - et pas seulement au Conseil fédéral et aux trois dirigeants de la Banque Nationale Suisse - de définir les conditions qui seront assorties aux mesures d'aide.» Ces conditions doivent bien sûr s'appliquer à la limitation et à la restitution des rémunérations scandaleuses des grands managers. Mais pas seulement. Il faut aussi «des règles pour encadrer, recadrer l'activité des banques et faire en sorte que celles-ci ne soient pas dommageables pour l'économie». Enfin, il s'agit de mettre fin à la politique ultracapitaliste basée sur la maximisation des profits à court terme, le démantèlement social et la privatisation des services publics, faute de quoi les protagonistes de ce capitalisme de casino continueront inlassablement à faire tourner la machine à privatiser les gros bénéfices et à collectiviser les pertes.

Plan de soutien à la conjoncture
La tempête financière planétaire ne se limite pas à une économie que d'aucuns s'évertuent à qualifier de virtuelle pour en cacher ses impacts sur l'ensemble de la population. Non, ses répercussions néfastes commencent déjà à se faire sentir dans l'économie dite réelle. «Il s'agit avant tout d'éviter la baisse de la consommation: serrer encore la ceinture serait contre-productif», estime Daniel Lampart, économiste à l'USS. Pour Unia et l'USS, il est urgent de prendre dès aujourd'hui les devants pour éviter le pire. Comment? Primo, en faisant en sorte que les accords salariaux débouchent l'an prochain sur une augmentation réelle des salaires, en plus de la pleine compensation du renchérissement. «Les employeurs qui prendraient prétexte de la crise de la grande banque pour priver leur personnel de ces augmentations bien méritées feraient preuve d'un cynisme scandaleux», avertit Paul Rechsteiner.
En second lieu, les autorités doivent prendre des mesures visant à renforcer le pouvoir d'achat. Comment? En réduisant les primes de l'assurance maladie, en redistribuant les recettes provenant de la taxe sur le CO2 et en augmentant les allocations familiales. Celles-ci «pourraient passer de 250 francs par enfant à 300 francs par jeune en formation», calcule Daniel Lampart. Ces mesures pourraient s'inscrire dans le cadre d'un plan conjoncturel que le Parlement fédéral adopterait dans sa prochaine session cet hiver. Tertio, pour soutenir la conjoncture, il est impératif de lancer un programme d'investissement en faveur des infrastructures publiques, de développement des énergies renouvelables et de la construction de logements. Le budget 2009 de la Confédération ne doit en aucun cas se voir plombé par l'aide accordée aux banquiers. Il faut renoncer en tous les cas au programme dit de «frein aux dépenses» qui aurait des effets catastrophiques.
L'USS préconise également une baisse des taux hypothécaires de 0,25%, ce qui reviendrait à libérer environ 600 millions de francs au profit des consommateurs. «Avec l'exode des petits épargnants vers les Raiffeisen et les banques cantonales, ces établissements bénéficient désormais d'importantes liquidités», précise Daniel Lampart.

La retraite dans l'œil du cyclone
L'addition de toutes ces mesures conduirait à un renforcement du pouvoir d'achat de l'ordre de 2 milliards de francs, soit 0,5% du produit intérieur brut. Mais pour l'USS, il s'agit aussi de se battre sur le front de la prévoyance vieillesse. Le Conseil fédéral a décidé la semaine dernière de réduire de 2,75 à 2% le taux d'intérêt minimal sur le capital des assurés du 2e pilier. Cette mesure est inacceptable car s'il est vrai que la crise financière pèse sur les comptes, le Gouvernement a occulté le fait que ces caisses ont engrangé des bénéfices records pendant les années de vaches grasses. Reste que bien ou mal dotées, les caisses de pension «sont entièrement exposées à la crise des marchés financiers», constate Paul Rechsteiner. «En revanche, l'AVS, n'est pas seulement très performante du point de vue social, elle est également très stable et très efficace sur le plan économique grâce au système de répartition.» Il s'agira de s'en souvenir à bon escient, devant les urnes, le 30 novembre prochain.

Pierre Noverraz



La faillite d'un système

Les économistes bon teint qui hier encore nous vantaient les vertus incomparables du marché ultralibéralisé se relaient aujourd'hui dans les médias pour nous expliquer les rouages d'une crise qu'ils n'avaient pas vu venir. A les écouter, le naufrage serait imputable à des failles du système, à des carences dans sa réglementation et son contrôle. Traduction? La machine est bonne mais elle est simplement déréglée. Ils nous jettent ensuite en pâture quelques méchants traders et managers véreux à clouer au pilori. Traduction? C'est la faute aux moutons noirs. Ou alors, ils incriminent l'espèce humaine tout entière, à laquelle ils prêtent une cupidité inextinguible.
Ces arguments récurrents, le coprésident d'Unia, Andreas Rieger, les a balayés dans son discours d'introduction au congrès d'Unia ce mois à Lugano. «Le problème n'est pas la cupidité innée des êtres humains. Les banquiers de Wall Street n'ont fait que remplir leur mandat. Ils devaient procurer aux bailleurs de capitaux des rendements de 25%, voire davantage. Les entreprises dégageant des rendements plus modestes mais réguliers n'étaient pas prises au sérieux. Les vautours des fonds spéculatifs tournoyaient autour d'elles pour les dépecer. Les télécommunications, l'industrie électrique, le système de transports et les caisses maladie ont été tour à tour contraints d'entrer dans ce système de profits. Même l'AVS était dénigrée par les experts qui vantaient à la place les fonds de prévoyance vieillesse spéculatifs.» Conclusion: «La nature humaine n'est donc pas en cause.» Le désastre «tient au système de maximisation des profits poussé à l'extrême».
En conséquence, la nouvelle charte du syndicat stipule que «Unia aspire à un monde plus juste centré autour de la société et de ses besoins et non plus autour du capital».

PN