Dérives à redouter. De l’avis d’experts, la nouvelle Loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT) – adoptée par le Parlement en septembre dernier – ouvre une brèche dangereuse dans les libertés fondamentales et met en péril l’activisme politique. Comme elle va à l’encontre de l’intérêt supérieur à protéger les enfants. Mais il sera possible de corriger le tir. Le 14 janvier dernier, le référendum lancé notamment par les Jeunes Verts, la Jeunesse socialiste, les Jeunes vert’libéraux et le Parti Pirate a abouti. Plusieurs points se révèlent problématiques dans la réforme judiciaire qui a aussi été vivement critiquée à l’international, notamment par des rapporteurs spéciaux de l’ONU. Dans nos frontières, les Juristes démocrates de Suisse et la Plateforme des ONG suisses, regroupant 80 organisations, ont également condamné la législation.
Particulièrement controversée, la définition vague d’activité terroriste. Elle intègre en substance dans son libellé les «actions de nature à modifier l’ordre étatique» à travers de graves infractions, réelles ou... susceptibles d’être commises par la «propagation de la crainte». Cette notion pour le moins imprécise, basée sur de simples indices et spéculations, autorise une large interprétation. Nombre de citoyens pourraient pâtir de ce flou et entrer dans la catégorie de terroristes potentiels. Les adversaires des MPT citent en exemple des activistes pour le climat, des militants politiques anticapitalistes, syndicaux, des opposants de tous bords, voire même des journalistes...
Tout aussi alarmantes, les mesures qu’il sera alors possible de mettre en œuvre sur la base de ces simples soupçons de dangerosité, à titre préventif, et sans passer par un juge! Avec, à la clef, des interdictions de périmètre et de contacts, une surveillance via des bracelets électroniques, une localisation par téléphonie mobile, etc. Des contraintes applicables à des enfants de... 12 ans déjà ! Des assignations à résidence pourront en outre être prononcées à l’encontre d’adolescents dès 15 ans et ce plusieurs mois durant, moyennant toutefois dans ce cas une autorisation judiciaire. Un dispositif en porte-à-faux avec la Convention des Nations Unies relative aux droits des enfants. Et alors qu’il pourrait être difficile de faire la part des choses dans le comportement parfois provocateur de jeunes. Entre simples bravades, affirmations déplacées de soi ou incivilités susceptibles d’intervenir dans la construction de la personnalité et basculement véritable dans la radicalisation. En isolant, en stigmatisant, en criminalisant des mineurs sur la base de simples indices, le risque de les pousser dans la marge s’avère bien réel.
La nouvelle loi franchit clairement une ligne rouge, portant atteinte à l’Etat de droit. Les moyens démesurés octroyés à la police abolissent la présomption d’innocence. Laissent le champ libre à l’arbitraire. Si la prévention et la lutte contre le terrorisme nécessitent indubitablement une réponse forte, elle ne saurait s’exprimer au mépris de la démocratie et des droits humains. Des principes non négociables que justement les terroristes veulent saper. A l’heure des votations, gardons en mémoire les dangers que comporte ce projet. Qui, en visant la politique du risque zéro, enfreint les engagements gravés dans la Constitution et en sachant encore que l’arsenal juridique pénal actuel, objet d’une récente révision, est suffisant. Un signal positif a déjà été donné dans ce sens. En dépit d’une récolte de signatures rendue ardue par le contexte sanitaire, les opposants à la loi ont rassemblé 142 800 paraphes, soit bien plus du double que nécessaire. De quoi donner la mesure des inquiétudes que suscite la loi...