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Reconnaissance d’un travail méconnu

brevet secrétaires syndicaux
© Leandro Delmastro / Unia

La présidente du syndicat, Vania Alleva (tout à gauche), a félicité les cinq secrétaires syndicaux ayant obtenu leur brevet, dont Fatima Fernandes Pinto Oliveira (quatrième depuis la gauche) et Sandrine Maeder (cinquième).

Deux employées romandes d’Unia ont obtenu leur brevet fédéral de secrétaire syndicale. Retour sur leur démarche

Ambiance festive le 31 mai dernier au syndicat à Berne. Unia a organisé une cérémonie en l’honneur de travailleuses et de travailleurs d’Unia qui ont décroché leur brevet fédéral de secrétaires syndicaux. Parmi les personnes félicitées figuraient des Romandes, Fatima Fernandes Pinto Oliveira et Sandrine Maeder. Les deux jeunes femmes reviennent sur les raisons de leur démarche et le mémoire qu’elles ont présenté dans ce cadre.


Un travail à plein temps rémunéré 1000 francs!

«Ce brevet me rend particulièrement fière. C’est une reconnaissance du métier.» Employée par Unia Fribourg depuis 2018, Fatima Fernandes Pinto Oliveira savoure sa réussite. D’autant plus que la jeune femme de 32 ans d’origine portugaise, arrivée dans nos frontières en 2003, a dû prouver qu’elle était capable de suivre les cours dispensés. «J’ai terminé ma scolarité obligatoire en Suisse, mais ne possède pas de CFC. Pour être admise aux examens, il m’a fallu démontrer mes compétences. Ce brevet que j’ai effectué en cours d’emploi sur trois ans est aussi un encouragement pour d’autres. Et témoigne que tous peuvent y arriver», indique Fatima Fernandes, soulignant au passage la qualité de l’enseignement. «Les modules sont très complets. C’est un véritable enrichissement. Et l’occasion de partager des expériences, des approches du quotidien.» 

Pour son travail de mémoire, la secrétaire syndicale désormais diplômée a présenté le cas d’Andrea (prénom d’emprunt), une employée domestique. Cette dernière était supposée travailler dans un cabinet médical, mais était en réalité engagée au domicile du couple de médecins propriétaires du centre. «J’ai rencontré Andrea alors qu’elle accompagnait son mari à la permanence d’Unia. Il était membre du syndicat et souhaitait qu’on vérifie sa fiche de salaire. Il a aussi demandé qu’on jette un œil sur le décompte de celui de son épouse.» Stupéfaction! Andrea, 26 ans, gagne 1000 francs net par mois pour un travail à plein temps à raison de 42 heures par semaine. «Parfaitement illégal! Nettement en dessous des tarifs prévus par le Contrat-type de travail de l’économie domestique fédéral et de celui cantonal, imposant davantage de règles, auquel l’employée aurait dû être soumise», précise Fatima Fernandes, calculant que la lésée aurait dû toucher mensuellement 3648 francs brut. Un minimum pour la jeune femme largement exploitée.

Bonne à tout faire ou presque, Andrea cumulait les tâches. «Elle avait pour mission la garde d’enfants en bas âge, la préparation des repas, le repassage, le ménage, la tonte du gazon, le nettoyage de la piscine ou encore l’organisation de fêtes de famille», détaille Fatima Fernandes, entamant alors une procédure juridique à l’encontre des employeurs qui, dans un premier temps, ne veulent rien savoir. Un accord est finalement trouvé en séance de conciliation. La protégée d’Unia touchera rétroactivement environ 70% de la différence due. «Nous aurions pu continuer à nous battre, mais Andrea souhaitait en rester là. Elle désirait tourner la page. Il faut dire que les procédures sont longues et nécessitent beaucoup d’énergie.» 

Ce cas d’école aura permis à Fatima Fernandes de souligner dans son mémoire la valeur du partenariat social et la nécessité de sensibiliser l’opinion publique aux dérives de ce genre. «Nous ne disposons pas dans ce type d’affaires de moyens de contrôle. Le contrat-type est géré par l’Etat. Nous ignorons combien de personnes y sont soumises.» Cette situation se traduit par un isolement et un manque de protection des victimes. Elle montre l’importance de dénoncer les infractions découvertes et d’informer la population des risques qui pèsent sur cette catégorie d’employés avec, en ligne de mire, la lutte contre cet esclavage des temps modernes.


De la difficile mobilisation dans la vente

Sandrine Maeder a consacré, pour sa part, son travail final à la Convention collective de travail (CCT) neuchâteloise du commerce de détail, signée en 2014. La collaboratrice d’Unia s’est en particulier focalisée sur la campagne de mobilisation qu’elle a orchestrée en 2022 en vue du renouvellement de cet accord. Un exercice difficile. «Les travailleurs de la branche n’étaient pas satisfaits du résultat des négociations passées en raison de salaires minimums qui n’ont pas augmenté depuis la conclusion de la CCT. Ils ne voyaient plus l’intérêt d’agir après l’introduction, en 2017, du salaire minimum cantonal – plus élevé pour certaines catégories d’employés que celui inscrit dans la convention – s’élevant à 21,08 francs l’heure. Et ne mesuraient pas nécessairement l’importance de disposer d’une assurance perte de gain», rapporte Sandrine Maeder, en insistant sur la nécessité de construire un rapport de force pour pouvoir négocier des rémunérations à la hausse. Une requête arrivant en tête de liste des attentes du personnel, comme l’a démontré un sondage organisé au préalable. 

La secrétaire syndicale effectue alors un intense travail de terrain dans le but de mobiliser un maximum de vendeuses et de vendeurs. L’assemblée générale qui doit permette de finaliser le cahier de revendications rassemblera 22 personnes. «Une fréquentation décevante mais, en même temps, l’une des meilleures que nous avons connues dans ce secteur.» 

Dans les conclusions de son mémoire, Sandrine Maeder revient sur les difficultés rencontrées et propose des pistes pour les surmonter. Elle met en avant le fait que, pour les employés à faible revenu, les cotisations au syndicat sont jugées trop élevées et les dissuadent donc d’adhérer. Elle souligne également la tendance à une individualisation croissante. «De plus en plus de personnes se concentrent sur leurs propres problèmes et ne perçoivent pas l’importance de l’action collective.» La secrétaire syndicale insiste encore sur la nécessité, pour Unia, d’adapter sa communication afin d’attirer des jeunes, nombreux dans le secteur de la vente. «Le syndicat doit se réinventer afin de mieux communiquer avec la jeunesse, qui est notre public cible. Dans cette perspective, il sera crucial de développer des stratégies de mobilisation novatrices, en utilisant des canaux de communication modernes tels que les médias sociaux et les plateformes en ligne.»

Actuellement, la CCT de la vente neuchâteloise couvrant quelque 3300 personnes et qui devait être effective au début de cette année n’a pas encore été validée par le Secrétariat d’Etat à l’économie. «Le processus risque de durer. Les modifications apportées doivent être justifiées. Un vide conventionnel dangereux», ajoute Sandrine Maeder, qui était aussi active au sein de la commission paritaire. «Lors des contrôles effectués, nous avons constaté plusieurs infractions au salaire. Mais nous n’avons pas pu en mener beaucoup, quatorze environ.» Cet état de fait devrait changer à l’entrée en vigueur de la nouvelle mouture de l’accord prévoyant désormais une contribution professionnelle pour mener à bien cette surveillance. «Les contrôleurs seront alors rétribués pour ce travail. But visé: en faire une quarantaine.»

Entrée chez Unia en 2016, la syndicaliste a choisi d’effectuer le brevet fédéral afin de valoriser les connaissances et les compétences acquises sur le terrain. «Notre métier, peu connu, touche à de nombreux domaines», commente encore la diplômée qui, contente d’avoir mené à bien ce projet, s’apprête aujourd’hui à relever un nouveau défi professionnel... 

 

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