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Résidents et personnel des EMS, ces oubliés de la crise...

Portrait d'Amandine Jutzeler Barut.
© Olivier Vogelsang

Amandine Jutzeler Barut s’investit sans compter dans son travail et la défense des droits de ses collègues.

Infirmière dans un EMS genevois, Amandine Jutzeler Barut a reçu, aux côtés d’autres militants, le prix «Engagement» d’Unia. La lutte contre l’injustice au cœur de son implication

«J’ai été très touchée. Je ne m’attendais pas du tout à recevoir ce prix.» Contactée par téléphone, Amandine Jutzeler Barut commente d’une voix émue le trophée symbolique décerné par Unia à l’occasion de l’assemblée de ses délégués du secteur tertiaire (voir ci-dessus). Infirmière dans un EMS genevois et présidente de la commission du personnel, la jeune femme de 34 ans a été nominée, aux côtés d’autres militants, en raison de son fort engagement dans la défense des droits de ses collègues. Une implication d’autant plus importante que la crise sanitaire a passablement bouleversé son travail et celui de ses pairs, surtout lors de la première vague de la pandémie. En plein semi-confinement, Amandine Jutzeler Barut poste alors une lettre ouverte sur le réseau social Facebook. Elle alerte l’opinion publique sur la situation prévalant dans la maison de retraite et dénonce la précarité des conditions de travail des employés. «Le monde des EMS est un milieu oublié des médias, malheureusement nous avons l’habitude de cela. Je dis souvent à mes proches que je travaille avec une population marginale; moins on la voit, mieux on se porte. Il est temps maintenant de se souvenir d’elle et des personnes qui travaillent au quotidien pour son bien-être», pouvait-on lire dans ce courrier. Une missive courageuse qui sera notamment reprise et publiée dans le journal Le Temps.

«Nous en avons bavé»

«A la fin mars, notre EMS a été particulièrement frappé par le Covid-19, avec un tiers de résidents infectés, soit une quarantaine qui se trouvaient en isolement», précise la soignante. Le manque de matériel de protection, en particulier de sur-blouses, de charlottes et, au début, de masques complique largement le travail des équipes au front soumises, de surcroît, à une cadence infernale. «En raison de la pénurie, nous devions utiliser les sur-blouses plusieurs jours, bien qu’elles soient à usage unique, et les lavions... Je n’étais pas en colère contre la direction mais contre les autorités, fâchée par cette mauvaise répartition du matériel. Dans notre EMS, comme dans d’autres, les retraités et le personnel ont été les oubliés de la crise sanitaire.» L’infirmière souligne encore le stress et le désarroi des travailleurs confrontés à un virus dont on ne connaissait, à ce moment-là encore, que peu de choses. Et la nécessité de rassurer pourtant aussi les familles qui prenaient des nouvelles de leurs proches. «Le métier d’infirmier a joué un rôle central dans la crise. Et pas question de flancher au risque d’entraîner d’autres collègues. Nous en avons vraiment bavé, physiquement et moralement.» La seconde vague épargnera par bonheur la maison de retraite. «Elle a été très calme. Nous avons passé entre les gouttes avec très peu de cas.» Une situation attribuée à une bonne gestion des risques, une meilleure connaissance du Covid-19 et la prise de mesures protectrices à la moindre alerte... mais aussi à la chance. Si la menace d’une troisième vague ne peut être écartée, et face à l’arrivée de nouveaux variants, l’infirmière, séparée et mère de deux jeunes enfants de 7 et 5 ans, mise désormais sur le vaccin. «Il semble que ce soit la seule solution pour s’en sortir. Je n’hésiterai pas à me faire vacciner. Un geste citoyen. Aussi pour protéger les pensionnaires vu leur âge.»

Métiers à revaloriser

L’urgence réglée, la présidente de la commission du personnel et syndiquée depuis deux ans à Unia se concentre aujourd’hui sur les chantiers entamés avant l’arrivée de la pandémie. Il s’agit, en particulier, de revaloriser les salaires des soignants. «Nous effectuons un travail pénible aussi bien d’un point de vue psychologique que physique, avec beaucoup de manutention. Nous devons gérer un panel de pathologies, nécessitant des connaissances élargies. Il est temps de casser ce préjugé qui associe les infirmiers œuvrant dans des EMS à des professionnels de la santé au rabais, car ne travaillant pas dans des hôpitaux.» La militante, motivée par son souci de lutter contre l’injustice – «Pas question de se taire», dira-t-elle – entend aussi se battre en faveur d’un renforcement de la formation continue et des effectifs. Sur ce dernier point, elle précise: «Il y a toujours plus à faire et nous manquons de temps pour les résidents qui n’ont pas de maladies particulières. Du coup, nous sommes contraints de les suivre de loin.» En dépit des améliorations incontournables attendues, Amandine Jutzeler Barut affirme sans hésitation adorer son métier. Aussi bien pour les relations nouées avec les personnes âgées que les collègues. Comme elle apprécie encore les possibilités d’élargir constamment ses compétences offertes par sa profession.

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