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Retard destructeur

Combattre le gaspillage: un impératif toujours balbutiant à l’agenda des principaux acteurs du commerce de détail dans nos frontières, comme le révèle une étude comparative publiée la semaine passée par Greenpeace Suisse. L’organisation écologiste a passé au crible les pratiques des douze plus gros détaillants du marché en termes de chiffre d’affaires. Et s’est focalisée sur le segment des produits non alimentaires. Résultat: la marge d’amélioration en matière d’économie circulaire – qui vise à prolonger la vie des objets – reste énorme.

Parmi les sondés, Migros obtient la moins mauvaise note, suivi par Coop. Viennent ensuite Brack.ch et Digitec Galaxus, puis Landi, Richemont et Zalando, alors que Manor se situe en queue du peloton. Certains distributeurs n’ont pour leur part pas daigné répondre à l’enquête malgré plusieurs relances de l’ONG, à l’image de Globus, Amazon, Ikea et Otto’s. Bonjour la transparence. On peut dans ce contexte, sans trop extrapoler, se demander si la question suscite un quelconque intérêt... Quant aux mesurettes prises par les autres entreprises, bien que louables, elles démontrent surtout le retard destructeur pris sur ce front. Et la progression non seulement possible mais indispensable dans le domaine pour préserver l’environnement. Et pour cause. La fabrication de biens de consommation se révèle responsable de la plus grande partie de l’empreinte écologique des produits. La dilapidation des ressources naturelles, bien que limitées, épuise chaque jour davantage notre Terre. Selon Greenpeace, le bilan carbone de la Suisse pourrait diminuer de 1,8 à 4 millions de tonnes d’équivalent CO2 annuellement en utilisant un à trois ans de plus les objets. De quoi susciter la réflexion sachant encore que si l’humanité entière consommait autant que la population helvétique, trois planètes seraient nécessaires.

Dans ce contexte, il s’agit de développer plus largement d’autres voies: réparer les objets plutôt que les remplacer, louer des outils au lieu de les vendre, proposer des services à la place de produits, exiger une plus grande longévité des garanties, promouvoir des biens fabriqués avec des matériaux recyclés, le reconditionnement... Autant de possibilités qui s’offrent aux détaillants décidant des assortiments qu’ils entendent présenter dans leurs rayons ou en ligne; des prestations qu’ils souhaitent valoriser. Ceux-ci ont le devoir de jouer de leur influence sur les fabricants et réclamer des informations sur les matériaux, sur le bilan énergétique des objets, sur la possibilité de changer des pièces défectueuses... Autant de renseignements qui doivent être également fournis aux consommateurs via un étiquetage approprié, afin qu’ils puissent acheter en toute connaissance de cause. Prendre eux aussi leurs responsabilités. Et refuser de se faire les complices de stratégies visant constamment à promouvoir nouveautés et derniers modèles aussi inutiles que néfastes pour la planète.

Face à l’attentisme et la réticence des enseignes à se montrer davantage proactives dans l’économie circulaire, une amélioration des conditions-cadres juridiques s’impose. En l’absence de mesures contraignantes, les progrès resteront plus qu’aléatoires; les avancées, tributaires de l’engagement à géométrie pour le moins variable des détaillants en matière de durabilité, la pression des bénéfices en ligne de mire.  A défaut d’actes volontaires forts, la révision partielle de la Loi sur la protection de l’environnement offre une chance de redresser un tant soit peu la barre. Les parlementaires se pencheront dès cet été sur ce dossier. Espérons que bon sens et urgence écologique l’emporteront alors que nous ne cessons de mesurer l’impact dramatique d’un consumérisme non maîtrisé sur l’environnement. Dans le cas contraire, nous paierons tous cash la politique désastreuse du tout-jetable.