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Secteur aérien en péril: état des lieux pour les employés

Aéroport de Genève déserté.
© Neil Labrador

Pendant les mois de semi-confinement, l’activité de Swissport a été réduite d’environ 95%, contraignant au chômage technique la quasi-totalité des 1300 employés de l’entreprise.

La branche de l’aviation commerciale est l’une des plus éprouvées par la pandémie de coronavirus. Le staff aérien s’interroge, sauf pour l’instant chez Swiss et Edelweiss. Pour Easyjet et les services au sol, on est moins rassuré

Mise au point: «Le chiffre de 1,5 milliard de francs accordé par la Confédération qui a été articulé ici et là concernant l’aide à Swiss et à Edelweiss a été souvent mal interprété. Il ne s’agit pas d’un financement des deux compagnies comme c’est, par exemple, le cas chez la maison mère Lufthansa, dans le capital de laquelle le Gouvernement allemand est entré. «Il correspond, ici, à une “garantie de prêt” (avec intérêts), tient à préciser d’emblée Marc Vionnet, représentant syndical des pilotes de Swiss, Aeropers. Cela revient à dire que, si Swiss ou Edelweiss venaient à disparaître, la Confédération se porterait garante auprès des banques du remboursement de ces prêts qui permettent aujourd’hui d’avoir un cash-flow suffisant pour traverser la crise.» Swiss semble donc pouvoir accuser le coup après, notamment, trois années de bénéfices (636 millions de francs en 2017, 458 en 2018 et 578 en 2019).

Craintes pour le personnel?

Les employés de Swiss et d’Edelweiss ne sont, pour l’instant, pas trop mal lotis, car ils bénéficient du statut de chômage technique jusqu’en février 2021. Toutefois, si la situation devait se redresser plus lentement qu'espéré ou si des modèles de réduction de travail n'étaient pas mis en place de manière à absorber les places de travail surnuméraires, des licenciements deviendraient inévitables. Dans ce scénario, un plan social est-il prévu? «Notre Convention collective de travail comprend déjà un concept de plan social, y compris pour les cas de crises économiques, précise Sandrine Nikolic-Fuss, présidente de Kapers, le syndicat du personnel de cabine de Swiss. Nous avons connu des situations similaires en 2005 et en 2006, mais la situation du Covid-19 est différente. Nous ne savons pas si la pandémie continuera ou reprendra. Dans ce cas, impossible de négocier dans le flou.»

Les services au sol: on l’imagine, Swiss ne va pas intervenir auprès de la Confédération dans les négociations du soutien aux autres prestataires, même si elle a un besoin vital de leurs services au sol dans les aéroports suisses avec, en premier, Swissport, suivi d’autres entreprises, comme ISS Facility ou Gate Gourmet, qui anticipent des difficultés.

Flou total...

Comme l’explique Pablo Guarino, secrétaire syndical de SEV-GATA pour Swissport à Genève, la Confédération aurait d’abord évoqué un soutien global à toutes les entreprises au sol du secteur aérien, mais serait revenue en tout cas sur l’aide à Swissport, entreprise entre les mains de HNA (filiale de Hainan Airlines), laquelle n’offrirait pas de garantie suffisante pour que cette assistance sauvegarde réellement les emplois en Suisse et ne serve pas les intérêts globaux de la compagnie chinoise. La non-entrée en matière de la Confédération va certainement lui poser des problèmes de maintien d’emplois. Pendant les mois de confinement, l’activité de Swissport (environ 1300 personnes) a été réduite d’environ 95%, les 5% restants ayant assuré la bonne marche des vols cargo, soit du travail pour une poignée d’employés, les autres étant au chômage technique. Avec le déconfinement, les activités reprennent timidement, constate Pablo Guarino. Y aura-t-il des licenciements? «On s’en doute, commente le syndicaliste. Nous avons demandé à la direction qu’elle s’exprime sur les pertes financières et le traitement du personnel, mais, pour l’instant, c’est le flou total. Notre crainte est que HNA décide de donner un tour de vis supplémentaire et de proposer un statut d’embauche à la demande en adaptant son contrat à celui des autres pays et des autres compagnies du secteur.»

Réduire la casse...

Et Easyjet? La compagnie ne bénéficiera que d’un «crédit de transition» de 20 millions de francs, ces aides ayant pour contrepartie sous-entendue de maintenir les emplois, mais nullement, comme en France, de contribuer à la baisse du CO2. La direction d’Easyjet vient d’annoncer un plan de licenciement de 4500 personnes pour tout le groupe. Au prorata, on peut imaginer que, sur les quelque mille employés suisses, près de 300 personnes devraient pointer au chômage, mais le chiffre exact n’est pas encore dévoilé, d’après le secrétaire syndical SSP d’Easyjet, Jamshid Pouranpir, qui attend que les choses s’éclaircissent avec sa direction.

Le syndrome Ryanair: le secteur aérien est international par excellence et, plus que partout ailleurs, les directions des compagnies tendent à s’inspirer des stratégies de leurs collègues, notamment en matière de traitement du personnel. Avec le Covid-19, toutes veulent réduire la casse. La première méthode est, pour les consommateurs, de mettre en place un système visant à décourager les demandes de remboursement cash pour les vols annulés. La seconde consistera à licencier le maximum de personnes avec un minimum de compensations. Les méthodes cavalières de Ryanair en période de crise du transport aérien n’ont pas tardé à se faire connaître avec d’importantes baisses de salaires (déjà inférieures à la normale), un manque total de concertation et une priorité de mise à la porte des délégués syndicaux. «Impossible chez nous, affirme Sandrine Nikolic-Fuss, nos délégués syndicaux sont protégés contre le licenciement.» Qu’en sera-t-il des employés d’Easyjet? de Swissport? des autres? Affaire à suivre.

RHT de misère à l’aéroport

«Des salariés de l’aéroport sont obligés d’aller faire la queue aux Vernets pour récupérer un sac de nourriture», s’indigne Jamshid Pouranpir. Le secrétaire syndical du SSP Trafic aérien dénonce la précarisation dont sont victimes des collaborateurs de sociétés d’assistance au sol et de sécurité de Cointrin. Placés en réduction de l’horaire de travail (RHT), ces collaborateurs devraient normalement toucher 80% de leur rémunération, mais c’est nettement moins qui s’affiche sur leurs comptes en banque, assure le SSP. Un employé de Dnata a ainsi vu sa rémunération de 4750 francs diminuer de près de 34%. «Chaque fin de mois est de plus en plus difficile, vivre à Genève avec 3150 francs pour une famille de quatre personnes n’est pas facile», témoigne-t-il. Le salaire d’un employé de Gate Gourmet est passé, lui, de 3450 à 2437 francs. «Soit en dessous du barème de l’aide sociale», note Jamshid Pouranpir. Tandis qu’un collaborateur de Securitas, qui émargeait à 3700 francs, ne reçoit plus que 700 francs environ par mois. «Il a été forcé de déménager en France. A 29 ans, il dépend de l’aide de ses parents, indique le secrétaire syndical. Nous ne comprenons pas ces calculs, il y a manifestement des erreurs, mais les employeurs ne répondent malheureusement pas à nos demandes d’explications.» Autre cas de figure, pour un second employé de Securitas qui n’a pas perçu son salaire pour les mois de mai et de juin alors qu’il se trouvait en arrêt de travail pour accident. «J’ai été licencié. C’est un licenciement abusif. Je suis dans l’attente de recevoir le chômage, je vais devenir papa dans quelques jours et je me retrouve dans une situation difficile. Je veux reprendre mon poste de travail», explique-t-il. Pour répondre à ces situations compliquées, le syndicat propose la création d’un fonds de compensation alimenté par l’aéroport et l’Etat. «Nous avons écrit à cette fin au conseiller d’Etat Serge Dal Busco, mais il n’a pas répondu positivement à notre demande de rencontre», regrette Jamshid Pouranpir. Une autre piste serait de faire appel au fonds cantonal de solidarité récemment institué. «Oui, mais il est réservé aux résidents et nous avons beaucoup de travailleurs frontaliers à l’aéroport, rappelle le secrétaire syndical. Nous essayons d’organiser ces salariés, peut-être qu’il sera utile d’engager des mesures syndicales.» Jérôme Béguin

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