Smood aux abonnés absents
Les anciens livreurs et livreuses de Simple Pay dénoncent l’indifférence de Smood face au licenciement collectif, sans plan social, de 218 personnes
Smood fait la sourde oreille. L’entreprise de livraison n’a pas participé aux négociations à la suite du licenciement collectif opéré par son alter ego, la société Simple Pay, de 218 personnes en août. Pratiquant la politique de la chaise vide, la première ne propose ni plan social ni paiement des arriérés (voir L’ES du 14 septembre). Pourtant ce sont entre 10 et 20 millions de francs de salaires, d’assurances sociales et de frais professionnels qui n’ont pas été payés, selon les calculs d’Unia. Or, Simple Pay est au bord de la faillite, depuis que l’Office cantonal de l’emploi (OCE) lui a demandé de se mettre en conformité avec la loi régissant la location de services (LSE), minimaliste pourtant. «Simple Pay est une coquille vide, créée pour que Smood ne doive pas prendre ses responsabilités envers les livreuses et les livreurs», décrit Helena Verissimo de Freitas, secrétaire régionale adjointe d’Unia Genève. «Smood est donc le principal responsable, mais a refusé, malgré l’invitation de Simple Pay, de rejoindre les négociations», renchérit Aymen Belhadj, secrétaire syndical d’Unia Vaud.
Plan social
Soutenu par le syndicat, le personnel licencié s’est réuni en assemblée générale fin septembre à Genève et à Lausanne. Si ce printemps des actions en justice ont été déposées individuellement par une dizaine de travailleuses et de travailleurs dans quatre cantons, Unia exige aujourd’hui de Smood qu’il respecte la loi, et donc qu’il applique un plan social. Soit des indemnités de licenciement couvrant les arriérés en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise et en fonction de l’âge; la création d’un job center pour accompagner les personnes dans leur recherche d’emploi ou dans leur reconversion professionnelle. Aymen Belhadj résume: «C’est une victoire que le Canton de Genève affirme que le modèle d’affaire Smood/Simple Pay est illégal. Mais l’arnaque, c’est que Smood bénéficie finalement d’une forme d’impunité. Les travailleurs ont perdu beaucoup d’argent…» Quant aux 150 réengagements annoncés dans les médias par Smood, il semble que le compte n’y soit pas.
Pour mémoire, début août, Simple Pay déclarait ne pas pouvoir se mettre en conformité avec la CCT Location de services qui interdit le paiement à la minute, et donc devoir cesser son activité, Smood refusant de payer davantage. «C’est bien là la preuve qu’il y a une identité économique totale entre les deux sociétés. Smood se présente comme un employeur modèle sur le marché alors qu’en réalité, il a créé et utilisé Simple Pay pour faire du dumping salarial et engranger des bénéfices, sans que son nom y soit associé. De ce fait, en application de la théorie de la transparence, plusieurs employés de Simple Pay ont agi en justice en septembre au Tribunal des prud’hommes contre Smood», explique l’avocate d’Unia Me Caroline Renold, qui s’occupe aussi des négociations tripartites avec les chauffeurs d’Uber. «Ces deux cas illustrent l’importance de soumettre l’économie de plateforme au respect du droit du travail, afin de lutter contre cette nouvelle forme de surexploitation des travailleurs.»