Les voies de la négociation collective et de la conciliation n’ayant pas abouti, quatre requêtes en droit du travail ont été déposées simultanément auprès des Tribunaux des prud’hommes de Genève, Vaud, Neuchâtel et Valais pour un montant de 125000 francs. Unia encourage les autres employés de Smood à saisir la justice pour réclamer leur dû
Les voies de la négociation et de la conciliation n’ayant pas abouti pour trouver une solution globale au conflit qui oppose Smood et Simple Pay à leurs employés, ces derniers, soutenus par le syndicat Unia, ont décidé de saisir la justice. Le 11 mai, dans les cantons de Genève, Vaud, Neuchâtel et Valais, les premières requêtes en matière de droit du travail ont été déposées simultanément auprès des Tribunaux des prud’hommes. Sous l’œil des médias, des actions symboliques et visuelles ont eu lieu devant les tribunaux, lors desquelles des livreurs étaient présents. Ces procédures, individuelles, impliquent donc quatre employés ayant entre six mois et deux ans d’ancienneté chez Smood ou Simple Pay et concernent principalement des salaires et des frais professionnels impayés. Le montant cumulé des prétentions s’élève à 125000 francs.
Peut mieux faire
A Genève, Ramzi Hadjadj, ancien livreur devenu secrétaire syndical pour Unia, rappelle le contexte: «Nous avons tout tenté avec Smood, notamment de passer par la Chambre des relations collectives de travail (CRCT). Celle-ci a émis une dizaine de recommandations, non contraignantes, dont une seule a été retenue par l’entreprise, à savoir l’augmentation du salaire horaire à 23 francs, comme l’exige le salaire minimum cantonal. Malheureusement, on constate qu’il y a toujours des tricheries sur le paiement des frais. De même, le contrat à 0h est toujours en vigueur… La lutte a permis de faire bouger les lignes, mais pas assez, nous voulons des changements concrets pour sortir les travailleurs de leur précarité. Smood et Simple Pay ne nous laissent pas d’autre choix que de passer par la case tribunal pour régler les injustices et récupérer nos dus.»
Pour rappel, les revendications des livreurs de Smood et de Simple Pay – qui n’est autre qu’une société qui loue des livreurs exclusivement à Smood – sont toujours les mêmes: l’indemnisation complète des employés pour leur temps de travail, le paiement des frais de déplacement et le versement des frais de nettoyage de leur véhicule privé.
Moins de 10 centimes l’heure
Les dossiers n’ont pas été faciles à monter, comme l’explique Roman Künzler, responsable national du secteur logistique et transport chez Unia. «Il faut des preuves, et réunir tous les éléments n’a pas été évident. Beaucoup de livreurs ont perdu leurs données sur l’application. C’est pourquoi nous encourageons les employés à bien conserver les preuves de leur travail et de leurs dépenses, c’est-à-dire noter leurs heures, les kilomètres parcourus et les frais d’essence avec factures à l’appui.»
Le syndicaliste assure que, potentiellement, chaque travailleur de Smood employé à 100% pourrait réclamer environ 10000 francs d’impayés par an. «Chez Smood, le gros problème c’est le sous-paiement des frais de voiture: ils ont droit à une indemnisation de 1 franc l’heure travaillée par voiture, ce qui représente selon nos calculs 14 centimes par kilomètre; or, les recommandations du TCS s’élèvent à 70 centimes par kilomètre. Nous sommes donc loin du compte, surtout en cette période de flambée des prix de l’essence!»
Pour les employés de Simple Pay, dont les conditions de travail sont jugées encore plus scandaleuses par Unia, la note est encore plus salée. A Genève, où l’ensemble des quelque 500 livreurs Smood ont des contrats avec Simple Pay, le salaire réel final, une fois tous les frais déduits, a été calculé à moins de 10 francs l’heure contre 14,70 chez Smood… «Avec Simple Pay, nous avons des problèmes de travail de nuit, de travail du dimanche, de pourboires, mais surtout, les livreurs ne sont payés qu’une fois une commande reçue: le temps d’attente n’est pas rémunéré. C’est donc du travail gratuit et, ça, c’est contraire au droit du travail», s’indigne Roman Künzler. Concrètement, le livreur se met à la disposition de l’entreprise pendant deux, trois ou quatre heures, mais il sera payé à la commande, et non pas à l’heure travaillée.
Répondre de ses actes
«Smood et Simple Pay font partie des modèles les plus précaires qui existent en Suisse», regrette le responsable syndical, qui dit voir de plus en plus apparaître des contrats Simple Pay à 0h, comme à Zurich. «Ils doivent maintenant faire face à leurs responsabilités devant les tribunaux, et nous sommes confiants quant à l’issue de ces procédures.»