Solidarité à deux vitesses
Voilà plus de trois semaines que la guerre fait rage en Ukraine. Une guerre sale qui n’épargne pas les civils. Le bombardement du théâtre de Marioupol et de son hôpital pédiatrique, ou encore celui d’une centrale nucléaire a donné au monde entier des sueurs froides. D’après les derniers chiffres officiels, au moment où nous mettions sous presse, au moins 700 civils, dont une cinquantaine d’enfants, avaient perdu la vie, et plus de 1000 avaient été blessés. Pas étonnant que déjà 3,2 millions d’entre eux ont fui. Et c’est loin d’être fini. Au total, on estime qu’entre 7 et 10 millions d’Ukrainiens quitteront leur pays. Un défi migratoire que le continent n’a pas revécu depuis la Seconde Guerre mondiale.
En Europe, l’élan de solidarité est inédit. Du jamais-vu. Dans les pays voisins mais aussi plus lointains, la population se mobilise pour héberger des familles. Les dons s’organisent et sont acheminés aux frontières du conflit. La plupart des chefs d’Etat l’ont dit haut et fort: les réfugiés ukrainiens sont les bienvenus, c’est leur devoir de les accueillir dignement et ils en sont capables. Magnifique! En Suisse, depuis le 24 février, près de 8000 Ukrainiens ont déjà débarqué sur les 35000 à 50000 attendus. L’obtention d’un permis S leur est offerte, en moins de 24 heures. S’ils ont besoin de soins médicaux, on les leur prodigue. C’est l’Etat qui prend en charge. La situation est sous contrôle, selon le Secrétariat d’Etat aux migrations. Impeccable. En France, les contrôles aux frontières sont facilités, la SNCF a pris l’initiative de faire voyager les Ukrainiens gratuitement dans ses trains et d’autres entreprises ont été sollicitées pour participer à l’effort collectif. En Allemagne, les procédures d’obtention de l’asile et de permis de travail vont à vitesse grand V. Ici et ailleurs, les écoles s’organisent pour accueillir les jeunes Ukrainiens en mettant en place des dispositifs spéciaux.
Cette générosité met du baume au cœur, car c’est exactement comme cela qu’il faut traiter des réfugiés. Des gens comme nous et comme d’autres, qui n’ont rien demandé, et se retrouvent du jour au lendemain menacés par des bombes. Mais elle donne aussi la nausée. Comment expliquer qu’on soit capables d’accueillir la misère ukrainienne avec autant de moyens et de bienveillance, et pas les autres? Pourquoi quand il s’agit de la Syrie, de l’Afghanistan ou de l’Erythrée, on parle de migrants et plus de réfugiés? Pourquoi, quand la guerre a éclaté en Syrie, il y a onze ans, il a été aussi difficile d’absorber 1,5 million de Syriens en Europe? Il n’est pas question ici de se diviser, au contraire, mais il est quand même flagrant de constater qu’il y a les bons et les mauvais réfugiés. Ils ont tous vécu la guerre ou la misère, et il est de notre devoir de TOUS les accueillir de la meilleure des manières, afin de leur offrir un nouveau départ. Sans distinction d’origine, de couleur ou de religion.