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Une farce: voilà le terme utilisé par la Coalition pour des multinationales responsables pour qualifier le projet d’ordonnance réglant la question des devoirs de diligence des entreprises en matière de droits humains et sur le front environnemental. Au début de ce mois, une quarantaine d’organisations ont vertement critiqué le texte législatif mis en consultation jusqu’à la mi-juillet. Et pour cause: les nombreuses exceptions et conditions dérogatoires prévues libéreront la plupart des sociétés de la nécessité de rendre des comptes. Ce blanc-seing profitera directement aux groupes les moins scrupuleux, qui pourront continuer à s’enrichir sans être inquiétés des conséquences dramatiques de leurs modèles d’affaires. Dans le domaine des minerais de conflit, régi par le projet – limité arbitrairement à ce cadre et à celui du travail des enfants –, un grand nombre d’entreprises acheteuses auront les coudées franches pour se soustraire à leurs responsabilités. La raison? La fixation de seuils bien trop élevés avant que ne s’enclenche le mécanisme du devoir de diligence. Pour l’or, le plancher a été établi à 100 kilos par entreprise et par année. Une limite le plus souvent étrangère à la réalité. L’Alliance rappelle que le métal précieux provenant de zones sensibles est généralement importé en petites quantités. Autant dire que les petits revendeurs douteux bénéficieront de toute latitude pour poursuivre impunément leur commerce. Les minerais recyclés échappent également au champ d’application de l’ordonnance. Cette pratique vise pourtant justement à occulter les traces de leur provenance...

Sur le front du travail des enfants, la déception est aussi largement de mise. Entre absence de sanctions et exceptions en cascades. Les PME ne tomberont ainsi pas sous le coup du texte législatif. Même celles actives dans des domaines répertoriés comme particulièrement vulnérables à l’exploitation des petites mains, à l’instar de la culture du cacao ou l’industrie textile. Exemption aussi pour les grandes sociétés dont la production finale s’opère dans un pays où la menace de recourir à la sueur d’adolescents n’est pas connue. Qu’importe qu’en amont, tout au long de la chaîne, le risque ne peut être écarté. Enfin, pour couronner le tout, en l’absence de soupçon fondé de travail des enfants en relation avec un produit ou un service, l’obligation de devoir de diligence passe aussi à la trappe. Aux entreprises de se montrer proactives et de procéder à leur évaluation. Pas de quoi générer de zèle.

Au final, rien de surprenant dans ce dispositif. Le contre-projet alibi du Conseil fédéral visant à barrer la route à l’initiative sur les multinationales responsables a clairement montré la direction privilégiée par le gouvernement. Une orientation sous l’influence du puissant lobby des multinationales que l’ordonnance n’allait évidemment pas rectifier. Un tigre de papier sans effet sur le front de la violation des droits humains et propre à maintenir l’impunité dont profitent les sociétés aux business immoraux. Le vent a pourtant déjà tourné dans plusieurs pays européens au bénéfice ou œuvrant encore à des réglementations bien plus strictes que celle envisagée par la Suisse. Autant dire qu’avant même d’entrer en vigueur, la loi prévue en l’état est obsolète. Un affront pour les 50,7% de votants qui s’étaient prononcés le 29 novembre dernier en faveur de l’initiative de la Coalition, torpillée par l’absence de majorité des cantons. Dans ce contexte, pas question pour les ONG d’abandonner le combat. De nombreux amendements ont été proposés. Quelque 20500 personnes ont par ailleurs déjà manifesté leur soutien à la cause et dit tout le mal qu’elles pensaient du projet. A tous de se mobiliser.