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Travailler moins ou le début des possibles

au milieu de la manifestation, un homme tient une toute petite pancarte sur laquelle on peut lire "réduire".
© Olivier Vogelsang

Quand une pancarte parle d'elle-même...

Le 9 avril, la Grève pour l’avenir a réuni dans différentes villes de Suisse des mouvements climatiques, féministes et syndicaux manifestant en faveur de la réduction du temps de travail. Une revendication qui vise à limiter notre impact sur l’environnement tout en favorisant un meilleur partage des tâches

Dans de nombreuses villes en Suisse, stands, actions de sensibilisation et manifestations ont rassemblé quelques milliers de personnes le 9 avril à l’appel de la Grève pour l’avenir. Mouvements climatiques, féministes et syndicaux ont fait converger leurs luttes autour de la réduction du temps de travail à salaire égal pour les bas et les moyens revenus, à La Chaux-de-Fonds, à Neuchâtel, à Delémont, à Genève, à Berne, à Zurich, …

A Lausanne, plus de 500 personnes ont défilé au centre-ville entre soleil, nuages et grêle. Les revendications, multiples, ont porté sur la redéfinition en profondeur du rapport à l’emploi, la transformation d’un système qui ne profite qu’à une minorité d’ultra-riches, la limitation de la surproduction nuisible à l'environnement, la réduction du stress, une meilleure répartition du travail non-rémunéré entre femmes et hommes, ou encore du temps dégagé pour s’engager dans des projets écologiques et sociaux, et tout simplement vivre mieux.

Trois ans pour agir

Dans le cortège, des personnes de tous âges. Calicot à bout de bras, «consommer moins, vivre mieux», Jean-Marc Nicolet, enseignant à la retraite, explique sa présence par son ras-le-bol de «la procrastination de la classe politique» et de «la spirale infernale de la consommation». A ses côtés, Vincent Parguel, informaticien de métier souligne: «Il nous reste trois ans selon le rapport du Giec pour que le déclic ait lieu!» A quelques pas, Marion Baslé, apprentie en agriculture bio, 20 ans, est venue manifester accompagnée de deux amies. «L’agriculture est l’oubliée des lois sociales. Je suis dans le maraîchage, et je travaille 48 heures par semaine. C’est beaucoup, alors que le métier est déjà dur physiquement», explique-t-elle au moment où la grêle s’abat sur les manifestants.

Après la tempête, au moment d’une des haltes du cortège, Mathilde Marendaz, activiste climatique, est revenue sur le rapport du GIEC. «C’est une minorité de sur-consommateurs qui est à l’origine de cette énorme crise, dont les victimes premières en sont les moins responsables.» D’où la nécessité, selon elle, de transformer radicalement notre modèle économique pour organiser la bifurcation écologique et sociale. «Malgré la répression intensifiée sur nos mouvements, il faut jeter toutes nos forces dans la bataille pour un autre monde.»

Banderole "Travaillez moins, polluer moins, vivre mieux".
«Travailler moins, polluer moins, vivre mieux»: la banderole figurait en tête de toutes les manifestations comme ici à Neuchâtel. © Thierry Porchet

 

Mouvement en construction

Dans le cortège, Alexis Dépraz, militant de la Grève pour l’avenir, demande gentiment à un manifestant de ranger son drapeau partisan, avant de répondre à la question de la faible affluence en comparaison à la dernière mobilisation du 21 mai 2021. «Les mouvements climatiques notamment vivent une phase de creux, mais la motivation est là et la diversité des manifestants aujourd’hui est très positive.» Une première étape pour celui qui rêve, avec d’autres, de manifestations de masse et de grève générale, conscient que le mouvement doit se construire sur les lieux de travail, de formation, de culture, jusque dans l’arène institutionnel,... Même écho du côté de Steven Tamburini, militant de la Grève du climat, qui témoigne, devant le Gymnase de la Cité, de la pression subie par les étudiants frappés également par le burn-out. Puis, Antoine Chollet, enseignant et représentant du SSP, convoque l’importance des services publics face à la machine capitaliste. «Au XIXe siècle déjà, les trois 8 devaient permettre un partage équitable entre travail, loisirs et repos. Or à l’Etat de Vaud, nous en sommes encore à 8h18! Il s’agit aussi de penser la durée de travail non seulement au quotidien, mais sur l’ensemble d’une vie, d’où notre appel à refuser l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes.» Et de citer la féministe, Voltairine de Cleyre, qui, en 1889, disait: «Il faut garder à l’esprit l’idéal d’une société si bien organisée que deux heures de travail par jour seraient suffisantes pour assurer les besoins…»

Renverser les rapports de force

Vers 17h, la manifestation se termine là où elle a commencé. Sur la place de la Riponne, en guise de conclusion, Tiago Branquino, activiste de la Grève pour l’avenir, interpelle: «Pour un avenir social, écologique, juste et solidaire, continuez à parler de nos revendications autour de vous pour que la prochaine fois nous soyons plus nombreux afin de renverser les rapports de force, parce que nos vies valent mieux que leurs profits!» En plus de la réduction du temps de travail, il évoque encore les enjeux d’un salaire minimum, d’un soutien à une économie locale et écologique, de la réduction nécessaire du pouvoir des multinationales, et de la mise en place de mesures en faveur des agriculteurs, pour une souveraineté alimentaire. Car «on ne pourra pas manger des billets, quand il n’y aura plus de carottes!»

Unia mobilisé

«Depuis des décennies, le temps de travail stagne, alors que l’intensité et le rythme de travail ne cessent d’augmenter», dénonce Unia, dans un communiqué, en bilan de la journée de mobilisation de la Grève pour l’avenir. «Malgré ces réalités, les partis bourgeois et les employeurs continuent de réclamer toujours plus de flexibilité dans la loi sur le travail et un âge de la retraite toujours plus élevé. C'est ainsi que nous sommes comme le hamster dans sa roue et que nous nous détruisons, tout comme nous détruisons notre environnement.» Plusieurs militants du syndicat sont intervenus lors des manifestations. A Zurich, Marius Käch, maçon, a expliqué ce que signifie de travailler des journées entières sur un chantier par des températures toujours plus élevées. A Lausanne, Clotilde Pinto, vendeuse, a rappelé l’importance de partager les tâches domestiques, d’éviter les transports inutiles pour quelques heures de travail et les extensions des heures d’ouverture des magasins très néfastes pour la planète. Elle a martelé encore une fois le refus de l’augmentation de l’âge de la retraite. A Berne, des paysagistes se sont mobilisés, lors d’une action symbolique pour la diminution du temps de travail.


Rénover le parc immobilier de toute urgence

Action de blocage que l'autoroute.
© Renovate Switzerland

 

Lundi 11 avril, à 7h45 du matin, une poignée d’activistes ont bloqué, pendant plus d’une demi-heure, une voie d’autoroute près de la sortie de la Maladière à Lausanne. Cette action de désobéissance civile pacifique veut dénoncer la passivité de la Suisse face à l’urgence climatique. Renovate Switzerland est une campagne qui s’inscrit dans un mouvement international de résistance civile demandant aux pays de prendre «les mesures les plus simples et les plus évidentes pour répondre à la crise climatique». Les militants se basent sur le modèle des Freedom Riders, 13 femmes et hommes qui, en 1961, ont lancé une campagne de désobéissance civile pour mettre fin à la ségrégation dans les transports publics aux Etats-Unis.

En Suisse, aujourd’hui, ces citoyens demandent un vaste plan de rénovation et d’isolation thermique des bâtiments, afin de réduire notre dépendance aux énergies fossiles et diminuer nos émissions de gaz à effet de serre. Ils rappellent qu’une meilleure isolation des bâtiments permettrait d’économiser jusqu’à 60% des coûts de chauffage. Ainsi, le mouvement demande à la Confédération des subventions à hauteur de 1 milliard de francs par an pour permettre aux cantons, d’ici 2040, de rénover le million de maisons qui nécessitent une isolation. Parallèlement, 100000 travailleurs supplémentaires devraient être formés dans le secteur du bâtiment. A la clé, des dizaines de milliers d’emplois. Renovate Switzerland a adressé cette demande le 19 mars à la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, car au rythme actuel, il faudrait un siècle pour réhabiliter l’ensemble du parc immobilier. Sans réponse de sa part, ils ont décidé de lancer leur action de désobéissance civile dès le 11 avril en perturbant le trafic de plusieurs autoroutes en Suisse. Comme le souligne la scientifique, co-autrice de rapports du GIEC, Julia Steinberger: «Renovate Switzerland dérange. C’est fait pour, parce que c’est infiniment moins grave que ce que le dérèglement climatique nous inflige déjà.»

Plus d’informations sur: renovate-switzerland.ch

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