La droite et le patronat avancent leurs pions en catimini. Car l’enjeu est de taille. Comment offrir 2 milliards d’allégements fiscaux sur les bénéfices aux grandes entreprises, rejetés par une majorité de votants en février 2017? Et comment faire passer l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, refusée elle aussi en votation l’automne passé?
Une solution clé en main semblait avoir été trouvée au sein de la Commission du Conseil des Etats en charge du dossier. Adoptée par ce dernier le 7 juin, cette solution est le couplage de la nouvelle réforme fiscale, renommée PF17, avec une «contrepartie» sociale, soit la hausse des cotisations à l’AVS et des contributions fédérales. Solution dont on nous promet qu’elle empêchera le passage à 65 ans de l’âge de la retraite des femmes.
Or, ce deal contre-nature et antidémocratique commence à prendre l’eau. Et tant mieux, car comment accepter que, sous couvert de la disparition de statuts spéciaux de certaines multinationales, on accepte de diminuer de presque moitié les impôts de toutes les entreprises? Avec pour effet de creuser les déficits des budgets fédéraux, cantonaux et communaux, préludes à l’austérité dans les dépenses sociales?
Une vingtaine de jours après le vote du Conseil des Etats sur le compromis PF17-AVS, nommé cette fois RFFA (Loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS), le conseiller fédéral Alain Berset lançait sa consultation sur le nouveau projet gouvernemental visant à «stabiliser la situation financière de l’AVS». Et là, ô surprise, la mesure phare est le relèvement à 65 ans du départ à la retraite des femmes. Il est aussi prévu, avec la flexibilisation de la retraite entre 62 et 70 ans, d’encourager les petits revenus à travailler plus longtemps après 65 ans... Selon le Conseil fédéral, cette réforme coûtera 10 milliards aux femmes d’ici à 2030. Or, 10 milliards, c’est la somme qui, chaque année, ne leur est pas payée en raison de l’inégalité salariale. Cherchez l’erreur.
Revenons à la RFFA. Dans la foulée de toutes ces bonnes nouvelles pour les femmes et l’AVS, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national s’est fendue, le 6 juillet, d’un corapport destiné à sa consœur de l’économie devant discuter du projet de compromis du Conseil des Etats. Et là, elle devance les réponses attendues par Alain Berset à sa consultation en proposant, ni plus ni moins, d’introduire dans ce deal la retraite à 65 ans pour les femmes…
On ne manque pas d’ingéniosité du côté de la capitale. Et le patronat attend sagement son heure. Ainsi, Valentin Vogt, président de l’Union patronale suisse, a suggéré début juin d’augmenter l’âge de la retraite à 65 ans pour les femmes et à 66 ans pour les hommes.
Face à cet imbroglio, Unia exige un vote séparé sur la réforme fiscale et sur le financement de l’AVS. Il s’agit là d’une simple question de démocratie, du droit de chacun d’avoir un avis sur chacun de ces objets.