Un jugement «porteur d’espoir»
La Cour d’appel civile du Tribunal cantonal vaudois reconnaît la responsabilité de Nestlé dans le cas du harcèlement subi par Yasmine Motarjemi. Un tournant dans la vie de cette dernière
Dans notre précédente édition (ici), Yasmine Motarjemi, ancienne employée de Nestlé, nous accordait une interview sur son long combat contre Nestlé pour obtenir justice. Pour rappel, cette dernière avait porté plainte pour harcèlement moral et psychologique en 2011. En 2018, le mobbing avait été retenu mais la multinationale n’avait pas été reconnue comme responsable. La plaignante avait alors déposé un recours. Aujourd’hui, et après neuf ans de procédures, il se pourrait bien que le cauchemar soit terminé. Dans un arrêt rendu le 7 janvier dernier, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal vaudois épingle Nestlé, qu’elle juge responsable de harcèlement «sournois» envers l’ancienne directrice de la sécurité des aliments. Elle reconnaît que la direction de Nestlé n'a pas pris les mesures adéquates pour protéger Yasmine Motarjemi ou faire cesser le harcèlement en dépit de la gravité de la situation qui a duré quatre ans. Elle a donc failli à son devoir de sollicitude et son obligation de diligence. La Cour d’appel a, par ailleurs, qualifié l’audit mené par le groupe dans le cadre de l’affaire de «simulacre d'enquête».
Loi violée par Nestlé
Pour son avocat, Me Bernard Katz, cela constitue une violation de l’article 328 du Code des obligations, «lequel instaure la protection de la personnalité du travailleur et le respect auquel il a droit ainsi que les égards voulus pour sa santé». La justice admet par ailleurs une «souffrance morale grave» pour la plaignante, qui a été détruite professionnellement et socialement, «la stoppant dans une brillante carrière».
«Selon le Tribunal cantonal vaudois, les membres de la direction de Nestlé étaient complices de ce système, sous l'emprise de la hiérarchie, rapporte l’avocat dans une déclaration écrite. Ils n'ont jamais cherché à mettre au jour cette situation dysfonctionnelle, contribuant ainsi à violer les règlements internes du Groupe Nestlé, au détriment de Yasmine Motarjemi, mais à l'avantage de la direction de la société.»
Bout du tunnel?
Pour Yasmine Motarjemi, c’est un jugement qui apporte de l’espoir pour beaucoup de gens: «Je suis très heureuse, c’est un tournant dans ma vie et mon long combat de presque quinze ans. C’est ce que je demande depuis des années, qu’on reconnaisse ce que j’ai subi.» La question du dédommagement de la plaignante a été renvoyée au premier tribunal qui doit statuer. Elle réclame environ 2 millions de francs pour couvrir une partie des frais engendrés. «Quoi qu’il arrive, ce que le tribunal décidera de m’accorder ne sera jamais à la hauteur des dommages subis et des dépenses liées à cette affaire. Sur le plan financier, je serai toujours perdante.»
La joie et la satisfaction sont là, mais un sentiment d’inachevé persiste. «Quelle est la sanction pour les gens qui ont détruit ma vie? Car tant qu’il n’y en aura pas, Nestlé ne changera pas de comportement.» Pour Yasmine Motarjemi, toutes les personnes encore en place chez Nestlé ayant été impliquées dans cette affaire doivent être punies: «Ceux qui ont menti au tribunal, qui ont nié, qui n’ont pas fait leur travail correctement ou qui ont contribué à ma misère doivent être sanctionnés, au moins professionnellement.» Enfin, l’ex-employée tient à ce que l’histoire ne se répète pas: «Il est capital que mon parcours et mon expérience soient analysés et que l’on tire des leçons de cette affaire afin que cela n’arrive plus, ou que la situation soit rapidement corrigée.»
La question qui reste en suspens maintenant est la suivante: Nestlé va-t-il faire recours contre cette décision? La multinationale a 30 jours pour se prononcer...