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Un rôle de facilitateur

Appartenances a lancé un projet novateur pour favoriser l'insertion socio-professionnelle de jeunes migrants: MigrAction

Appartenances souffle cette année ses quinze bougies. A cette occasion, l'association pluriculturelle basée à Lausanne a présenté un nouveau projet de soutien à l'insertion socioprofessionnelle de jeunes issus de la migration. Elle a également rappelé ses différentes activités en insistant sur la nécessité du partenariat entre pouvoirs publics et ONG.

Barrage à l'exclusion et la marginalisation. Pour aider les jeunes migrants sans formation, travail ou but professionnel, Appartenance a développé un nouveau projet baptisé MigrAction. Ce dernier s'adresse aux 18-25 ans et plus qui peinent à envisager un avenir, soit parce qu'ils n'ont pas mené à terme leur scolarité, soit parce qu'ils ne bénéficient pas des connaissances et d'un réseau suffisant pour opter pour une voie ou une autre. Une situation directement liée à leur trajectoire de vie, la migration étant souvent vécue comme une crise. «Le fait d'être migrant fragilise», affirme Johanna Hofmann, responsable de MigrAction. Dans ce contexte, l'association propose une aide concrète aux migrants en difficulté propre à valoriser et à activer leurs compétences. A moyen terme, ce soutien, d'une durée de 14 semaines, doit leur permettre de reprendre des études, d'entreprendre une formation, un apprentissage, ou de décrocher un job.

Des exemples positifs
Différentes activités ont été mises sur pied à cet effet. Chaque semaine, les jeunes ont rendez-vous avec deux animateurs afin «d'établir un espace-temps régulier de rencontre, d'information, de réflexion, de soutien et de coconstruction de projets de vie réalistes et valorisants». Concrètement, les responsables épaulent les jeunes dans la formulation de leurs attentes, les aident à effectuer des démarches administratives, organisent des cours de français, les familiarisent avec les systèmes suisses, etc. Parallèlement, des migrants ayant réussi leur intégration socioprofessionnelle viennent témoigner de leur parcours. Des «exemples positifs» propres à stimuler les participants. «Confrontés à la diversité de ces récits de vie, les jeunes peuvent se convaincre de leur capacité de changer et de la possibilité d'avoir un impact sur le cours des choses.»

L'inquiétude diminue
«Ça fait du bien d'entendre des personnes qui s'en sont sorties même si on imagine bien qu'elles n'ont pas réussi du jour au lendemain», déclare Youssouf, un des bénéficiaires de MigrAction. Agé de 28 ans, le jeune homme originaire de Guinée participe depuis le mois de mai dernier au projet. S'il était au début dubitatif sur les rendez-vous hebdomadaires organisés par Appartenances, il mesure aujourd'hui leur importance. «Je ne comprenais pas très bien pourquoi nous devions exprimer ce que nous avions en nous. Mais de voir d'autres jeunes dans des conditions similaires diminue l'inquiétude.» Porter un nouveau regard sur son expérience, poser les bases pour un développement d'une meilleure estime de soi participent en effet de la démarche initiée par Appartenances. «Les jeunes profitent de l'émulation du groupe. Leur point commun, c'est leur volonté d'aller de l'avant», précise Johanna Hofmann. Youssouf acquiesce. Après avoir travaillé cinq ans et demi comme garçon de café, le Guinéen a décidé de changer d'orientation.

Frapper à la bonne porte
«Je souhaite désormais travailler dans le social», relève le migrant qui a déjà effectué plusieurs stages dans le domaine et espère aujourd'hui décrocher un apprentissage. Dans ce contexte, l'homme profite aussi de MigrAction pour perfectionner son français et ses connaissances en mathématique. «Ma scolarité a été chaotique. Dans mon pays, j'ai seulement suivi l'école primaire», note Youssouf arrivé dans nos frontières en 1999. «Beaucoup de personnes de ma génération ont quitté la Guinée, histoire d'aller voir comment ça se passe ailleurs. Je ne pensais pas rester si longtemps ici mais dans l'intervalle je me suis marié. Aujourd'hui, la Suisse est devenue chez moi.» Après toutes ces années passées en terre vaudoise, Youssouf a-t-il vraiment besoin d'aide? «Oui. Quand Youssouf a rejoint le projet, il nageait un peu dans le brouillard. Il y a une différence entre recevoir des informations et les digérer», argumente la responsable. «Nous n'agissons pas à la place des jeunes, mais jouons le rôle de facilitateurs.» Bienvenu, déclare le Guinéen qui mise aussi sur Appartenances pour qu'on le prenne davantage au sérieux et pour savoir quelles sont les meilleures stratégies à adopter pour parvenir à ses fins. «Seul, tu dois frapper à dix portes avant de trouver la bonne. Il me manque des outils. Je dois apprendre la réalité de ce pays», lance le migrant convaincu de l'importance de disposer d'un réseau. Dans tous les cas, Youssouf promet, s'il parvient à devenir assistant socio-éducatif, de revenir à MigrAction témoigner de son parcours. «On reste migrant toute sa vie. Je ne veux pas me défaire de cette étiquette. Elle fait partie de moi, même si ce n'est pas toujours génial.» Et que pense son épouse de sa démarche. En tire-t-elle de la fierté? «La vérité oui. Nous sommes sûrs que ça va marcher.»

Sonya Mermoud