Un utopiste pragmatique
Pianiste et web développeur Ralph Kundig est le fer de lance romand de l'initiative pour un revenu de base inconditionnel
Farouchement indépendant
S'il peine à parler d'autres choses que du RBI en ce moment, Ralph Kundig n'en est pas moins généreux dans ses réponses sur son parcours personnel. Autodidacte, depuis son enfance, il avoue s'être profondément ennuyé à l'école. «Je pense que c'est en faisant les choses qu'on apprend le mieux.» Celui qui se définit plutôt comme un manuel qu'un intellectuel, voire «entre deux eaux», est avant tout un musicien qui a développé sa technique pianistique en écoutant son corps, afin d'y défaire toutes tensions. «Chopin était aussi contre les écoles. L'élève musicien lorsqu'il a un objectif en tête telle qu'une audition ne peut plus être dans le plaisir de la chose en soi. Il veut atteindre un but. Or toute mon approche est basée sur l'idée qu'il faut oublier le but pour vivre le chemin», sourit l'artiste passionné. Du clavier du piano à celui de l'ordinateur, en passant par la photographie, il s'est toujours contenté de ressources limitées, et de peu de vacances. «Quand on fait ce qu'on aime, on n'en a pas besoin», lance l'indépendant qui ne l'a pas toujours été. Salarié, notamment comme collaborateur social, il a aussi vécu lui-même des périodes de chômage et d'aide sociale. «Je connais les deux côtés de la barrière. Ce qui me confirme que l'aide sociale inhibe les possibilités d'insertion et empêche la création d'une activité indépendante, ou encore de se lancer dans une nouvelle formation.»
Hors parti
Pourfendeur du système actuel, il ne se dit ni de gauche ni de droite - à l'image du RBI qui brouille les cartes politiques. A la limite, écologiste. Ralph Kundig était d'ailleurs aux côtés de la Verte Lisa Mazzone, pro-RBI, lors d'un débat télévisé fin avril. «Comme l'habit fait le moine, j'ai mis une chemise et une veste», rit-il. «C'était une expérience intéressante, mais j'avoue avoir été déçu par ce ping-pong d'arguments et par les lieux communs lancés par les opposants qui étaient malheureusement tous de droite.» Il aura su en tout cas garder son calme. Une de ses qualités. «Je suis calme sauf quand je m'énerve», plaisante-t-il. «Mais c'est vrai que cela m'arrive assez peu. Et puis j'aime bien l'autre, même s'il n'est pas d'accord avec moi. Quant à la joute oratoire gratuite, je la prends comme un jeu. Et les critiques, jamais personnellement.»
Celui qui se passionne pour l'être humain, sa psychologie et ses comportements pose un regard tout personnel sur le travail. «Face au travail rémunéré qui implique une marchandisation de soi, je préfère le travail non rémunéré, fait avec son cœur.» Et d'ajouter: «Je suis assez convaincu que les gens travaillent plus qu'ils ne le veulent. Aujourd'hui on court après le temps, et l'espace. Or une des raisons de l'opposition de la droite, c'est qu'avec plus de liberté, l'homme a du temps pour réfléchir et pour s'engager socialement.»
Quant au résultat du scrutin, si les pronostics ne donnent aucune chance à l'acceptation d'un RBI, le coordinateur romand continue d'y croire. «Les chances sont ténues, mais elles existent. Sinon nous n'aurions pas besoin de voter», sourit-il. «Mais l'enjeu, celui de lancer un débat public et politique sur la question, est déjà atteint. Le sondage qui estime que 24% des votants pourraient voter en faveur du RBI est déjà un séisme...» Et de conclure: «Je rêve d'un partage des ressources et d'une répartition spontanée des tâches... On n'en est pas là bien sûr, mais le RBI est un premier pas et pourrait venir plus vite qu'on ne le pense, car il lie la liberté prônée par la droite et la sécurité à laquelle la gauche tient.»
Aline Andrey
Plus d'informations sur le Revenu de base inconditionnel:
www.bien.ch
www.initiative-revenudebase.ch