Une 13e rente AVS? «Irresponsable, coûteuse et inéquitable», pour Economiesuisse. «Un cadeau empoisonné», pour l’UDC. «Une rente ruineuse et socialement injustifiable», pour Christophe Reymond, directeur du Centre patronal vaudois… Les opposants à la 13e rente AVS, sur laquelle nous voterons le 3 mars prochain, affûtent leurs armes. Et diffusent à haute dose leurs arguments, espérant susciter la peur de l’avenir, pour contrer une initiative syndicale qui permettrait d’offrir un peu de justice sociale à des retraités et des retraitées n’arrivant pas à joindre les deux bouts.
Même si l’idée d’une 13e rente AVS rencontre une grande sympathie dans les sondages, les deux mois qui précéderont le vote seront cruciaux pour le succès de cette initiative. Une bataille de chiffres s’annonce. Pour la droite et les milieux patronaux, les 4 à 5 milliards que coûteront cette 13e rente vont ruiner le pays et la classe moyenne. Or 92% des personnes à l’AVS, classe moyenne comprise, reçoivent plus de rente qu’elles n’y ont cotisé. Et l’AVS n’est pas en faillite! Ce qui dérange les adversaires, c’est que les gros et très gros revenus continueront à verser beaucoup plus au 1er pilier qu’ils n’en bénéficieront à la retraite. Et lorsqu’ils avancent que les impôts vont augmenter pour remplir le «trou» occasionné par la 13e rente, ils se gardent de dire qu’ils sont les premiers à saluer les exonérations fiscales, à hauteur de 500 millions de francs, pour la minorité qui a la possibilité d’investir dans un 3e pilier.
Ce que les opposants veulent éviter à tout prix, et à coups de publicité et d’allégations mensongères, c’est un renforcement du système solidaire de répartition du 1er pilier, intolérable à leurs yeux, avec une 13e rente AVS. Le tout alors que les rentes du 2e pilier s’effondrent. Depuis 2015, ces dernières ont diminué de 9,5%. Et comme elles ne sont pas indexées au coût de la vie, la baisse, tenant compte du pouvoir d’achat, atteint 14% en huit ans!
La semaine dernière, le Conseil fédéral a poursuivi son plan de démantèlement du 1er pilier en mettant en consultation l’abandon de la rente de veuve dans l’AVS. Une position choquante, prise au nom de l’égalité… La Cour européenne des droits de l’homme a certes demandé à la Confédération d’éliminer la différence de traitement entre les veufs et les veuves dans l’AVS. Mais pourquoi alors ne pas mettre les veufs sur le même pied d’égalité que les femmes?
L’AVS est la seule assurance sociale reconnaissant le travail non rémunéré des femmes s’occupant de leurs enfants ou de leurs proches. Elle permet d’atténuer les différences au moment de toucher la retraite, ce qui n’est pas le cas dans le 2e pilier où les inégalités entre femmes et hommes sont énormes. Renforcer l’AVS n’est pas un luxe. Aujourd’hui, près d’une retraitée sur trois ne touche que la rente du 1er pilier. Et pour les autres, les pensions du 2e pilier sont en moyenne inférieures de moitié à celles des hommes. La réforme LPP 21 qui, selon la droite, aurait dû améliorer le sort des retraitées aura pour effet que les femmes paieront plus pour gagner moins, comme la plupart des hommes d’ailleurs.
Vendredi passé, une large alliance de femmes, regroupant des syndicalistes, des personnes issues de l’économie, de la culture, de la politique et de la société civile, a annoncé s’engager pour la 13e rente AVS. Elles ont signé un manifeste pour que le travail féminin soit enfin reconnu à sa juste valeur et que «nos grands-mères, nos tantes et nos filles puissent vivre, et pas juste survivre, à la retraite».
La mobilisation pour la 13e rente fait ses premiers pas. Elle devra se décupler en janvier et février pour transformer le capital de sympathie en faveur de l’initiative syndicale en un vote massif pour le Oui à ce supplément essentiel pour les retraitées comme pour les retraités.