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Une action d'Unia Genève contre le travail intérimaire débouche sur une victoire

L'entreprise Gatto SA a accepté d'engager sous contrat fixe certains de ses employés intérimaires

Une action de dénonciation du syndicat Unia à Genève a permis que l'employeur s'engage à transformer des contrats temporaires en contrats fixes pour les employés qui travaillent sur ses chantiers depuis plus de 6 mois. Et ils seraient nombreux selon le syndicat.

Jeudi 14 juillet, une petite délégation d'Unia Genève avait donné rendez-vous aux journalistes devant l'entreprise, spécialiste du carrelage, Gatto SA à la rue des Grottes. Ses griefs: la société du secteur du second œuvre fait appel massivement à la main-d'œuvre temporaire, et certains employés sont engagés à coup de contrats de trois mois depuis plusieurs années. Avant même qu'une banderole ait été déroulée devant l'enseigne ayant pignon sur rue, son patron sortait pour s'insurger contre les dires d'Unia. «C'est totalement faux», a-t-il déclaré. «Nous employons quelques intérimaires, uniquement comme soupape...»
«L'année passée, plus de la moitié des employés, soit plus d'une soixantaine, étaient sous contrat temporaire», a rétorqué José Sebastiao, responsable du second œuvre d'Unia Genève. «Et certains le sont depuis des années via une société temporaire créée par l'épouse même du directeur, qui s'est retirée en novembre dernier. Depuis, cette société temporaire était gérée par un administrateur, dont l'entreprise est sous-traitante de Gatto... C'est immoral!»
L'affaire reste donc «en famille», ajoute Unia Genève dans un communiqué, «et génère sa marge de profit sur la location d'un personnel précarisé à outrance». Une précarisation générée par l'enchaînement des contrats temporaires de trois mois, pratique illégale dès le 3e contrat. Avec pour conséquence une série de difficultés quotidiennes comme celle de ne pouvoir être solvable afin d'acquérir un logement.
Après l'action coup de poing d'Unia, deux syndicalistes ont été invités dans le bureau du patron. Une réunion improvisée qui a débouché sur un protocole d'accord où le patron s'engage à «internaliser comme employé fixe, sous contrat Gatto SA, tous les employés intérimaires travaillant sur des chantiers pour le compte de l'employeur depuis six mois ou plus.»
«C'est une excellente nouvelle!», se réjouit Yves Mugny, responsable du secteur du bâtiment d'Unia Genève. «Cet accord pourrait faire bouger les choses sur les fronts conventionnels. C'est un cas d'école.»

Explosion du travail temporaire
C'est notamment l'une des modifications demandées par Unia dans la CCT romande du second œuvre en cours de renouvellement. Car la société Gatto est loin d'être la seule à user (voire abuser) de la flexibilité du travail temporaire qui a pour effet de faire supporter les risques économiques par les employés. «Dès qu'il y a une baisse d'activité, on dégage les travailleurs», dénonce Fabrice Berney, secrétaire syndical d'Unia Genève. «Et même si les salaires sont respectés, ces travailleurs ne sont généralement pas au bénéfice des mêmes classes salariales. Ils sont au plus bas de l'échelle.»
Cette explosion du travail temporaire est particulièrement forte à Genève, avec une augmentation de 68% entre 2012 et 2014. Le syndicat dénonce ainsi «la bienveillance cantonale» face à cet «esclavage moderne». «Il est temps que les conventions collectives de travail limitent le recours au travail temporaire à des normes acceptables, soit au maximum le 10% des effectifs. Un cadre est nécessaire», précise Yves Mugny. Une disposition qui devrait déjà être appliquée dans les marchés publics. Comme l'indique le communiqué d'Unia: «Il est temps que l'administration publique retire les autorisations à toutes les entreprises de travail temporaire qui cherchent à abuser du système...»


Aline Andrey