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Une militante chinoise défie la justice suisse

Howey Ou au pied de la fontaine de la Justice à Lausanne.
© Olivier Vogelsang

Howey Ou, surnommée à l’échelle internationale la «Greta de Chine», le deuxième soir de sa grève de la faim au pied de la fontaine de la Justice de la Palud à Lausanne. Elle protestait contre la peine de prison et l’amende reçues pour avoir tenté de défendre la Zad.

Militante ayant soutenu la Zad, Howey Ou, une jeune activiste chinoise, a fait une grève de la faim au centre-ville de Lausanne pour protester contre sa condamnation. Rencontre

«Défendre la nature n’est pas un crime, c’est une nécessité», pouvait-on lire, en anglais, la semaine dernière sur une pancarte dressée à la place de la Palud, à Lausanne. L’auteure de ces mots? L’activiste chinoise Howey Ou, 18 ans, qui a fait, du lundi 19 au mercredi 21 avril, une grève de la faim au centre-ville, qu’elle a prolongé durant quelques jours par la suite. Durant ces trois premières journées, la jeune femme a campé sur les lieux et expliqué aux intéressés la raison de sa présence: protester contre la peine de prison et l’amende écopées à la suite de l’évacuation de la Zad (zone à défendre) de la colline du Mormont, le 30 mars dernier. Pour rappel, des dizaines d’activistes avaient occupé le terrain, pendant plus de cinq mois, afin de sauvegarder sa riche biodiversité et son patrimoine archéologique menacés par l’extension de la carrière du cimentier LafargeHolcim. Installée face à l’hôtel de ville, devant la statue de la Justice, Howey Ou souhaitait montrer symboliquement que l’équité n’existe pas dans un pays qui continue d’accueillir des groupes industriels comme Holcim. «Je proteste contre la sentence injuste du procureur vaudois prononcée le 30 mars 2021. Je risque 60 jours de prison et 1200 francs d'amende pour avoir tenté de m’introduire dans la Zad au moment de son évacuation.» Une quarantaine de zadistes auraient également reçu la même condamnation. Howey Ou s’était rendue trois fois, en l’espace de trois semaines, sur les lieux afin de manifester son soutien aux zadistes. Rencontrée le deuxième jour de sa grève de la faim, celle qu’on appelle à l’international la «Greta de Chine», n’a pas perdu son courage. Au milieu de sacs de couchage, de bouteilles d’eau et de couvertures apportés par des amis, elle a, malgré la fatigue, affirmé avec conviction: «Je suis sûre que mon action peut faire réfléchir les politiques et la population. Des centaines de gens passent devant moi chaque jour. Je voudrais qu’ils comprennent mon combat.»

Militante à plein temps

Originaire de la province du Guangxi en Chine, Howey Ou, après deux ans d’activisme dans son pays, a décidé de rejoindre l’Europe afin d’échanger avec d’autres militants et de faire converger les luttes climatiques au-delà des frontières. Elle raconte notamment la pression que le Gouvernement chinois exerçait sur elle et sa famille pour qu’elle arrête ses manifestations pacifiques. «A la suite de l’action de Greta Thunberg, je faisais la grève tous les vendredis à Guilin. Cette ville est ravagée par les inondations causées par le réchauffement climatique. Aujourd’hui, je suis militante à plein temps», explique celle qui est arrivée en Suisse il y a un mois environ. Dans un document, déposé à ses pieds et à l’intention des passants, la jeune femme explique en substance, au travers d’un poème, les raisons de son activisme. «Pourquoi je me rebelle? Parce que le système est vraiment injuste», écrit-elle, avant de conclure tristement: «Finalement, d’un côté, les inondations emportent les maisons des fermiers pauvres; de l’autre, des machines rasent les bois des riches collines.»

Intrigué, un passant s’approche, lit le panneau et lui propose son aide… Courageuse, elle répond sans hésitation: «Créez votre propre activisme. Informez-vous et sensibilisez vos proches à la question climatique.»

Soutiens

Arianne*, une passante de 54 ans, s’arrête elle aussi. Ayant suivi les développements de la Zad, elle manifeste son inquiétude quant à la puissance des multinationales: «C’est triste et affligeant que des jeunes aient besoin de mettre leur santé en danger pour qu’on les écoute. On aimerait que la justice soit rendue naturellement. Cette action sera utile si elle est intelligemment relayée par les médias, car les politiciens se soucient de leur popularité.» Accroupi pour prendre une photo de la pancarte de Howey Ou, Jojo*, 52 ans, explique pour sa part qu’il dirige une troupe de clowns activistes. Il a notamment donné des cours à la Zad. «Nous étions présents lors de l’évacuation de la colline. L’image d’un clown se faisant déloger par des policiers est symboliquement très forte.» Arrive Marie, une psychothérapeute de 65 ans. Elle raconte, quant à elle, qu’elle connaît bien la colline du Mormont et aime beaucoup s’y rendre: «Je trouve très important que des actions comme celle de Howey Ou soient menées. Le bétonnage n’est pas une issue. On devrait l’utiliser seulement lorsqu’il est indispensable!»

*Prénoms d’emprunt.

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