Les syndicats demandent à l’Etat et aux faîtières patronales d’intervenir pour maintenir l’emploi, les conditions de travail et les prestations aux résidents
En février dernier, les syndicats Unia et Sit avaient sonné l’alarme: en première ligne depuis l’arrivée de la pandémie, les employés des EMS genevois pourraient être victimes de réductions d’effectifs en raison de la baisse du taux d’occupation résultant de la situation sanitaire. Les syndicats appelaient alors l’Etat et les faîtières patronales à intervenir pour empêcher les licenciements, garantir l’emploi, les conditions de travail et les prestations aux résidents. La Fédération genevoise des EMS, la principale association d’employeurs, invitait aussi le Conseil d’Etat à débloquer un soutien exceptionnel pour couvrir le manque à gagner des maisons de retraite. Dirigé par le MCG Mauro Poggia, le Département de la santé est malheureusement resté bien passif. Les syndicats dénoncent aujourd’hui la multiplication de licenciements, de non-renouvellements de contrats à durée déterminée et de baisses de taux d’activité, s’ajoutant aux postes vacants non pourvus et à l’engagement d’intérimaires.
Gabrielle* et Diane*, deux membres de l’équipe d’animation d’un foyer pour personnes âgées de Cologny, ont été ainsi licenciées en mai dernier pour «raisons économiques». «Nous appréhendions tous une perte d’emploi, mais notre EMS bénéficiant de la RHT, on espérait pouvoir y échapper. Ce fut assez brutal lorsque cela nous est tombé dessus», témoigne Gabrielle. «On passe par plusieurs phases: il y a d’abord la surprise, on ne comprend pas, on se dit que c’est injuste, vient ensuite la colère, après quoi on essaie de faire le deuil de cet emploi et de cette période de notre vie», explique sa collègue Diane.
Dommages collatéraux...
Ces licenciements sont d’autant plus ressentis comme injustes qu’ils interviennent à la fin d’une période où le personnel a été très sollicité. «En mars 2020, notre rôle a été bouleversé, nous ne pouvions plus faire d’animations et avons été amenés à aider d’autres secteurs, comme l’hôtellerie, en distribuant les repas en chambre, car les résidents ne pouvaient pas sortir. Nous avons travaillé dans le stress et l’incertitude et ressentions une grande fatigue physique et psychique. Nous avons été obligés de sacrifier notre vie de famille en passant moins de temps à la maison», raconte Diane. Moralement, il a aussi fallu encaisser les nombreux décès des résidents, ce qui, on l’imagine, n’a pas été simple.
«Ces licenciements sont malheureux aussi pour les résidents dont les liens affectifs avec ces employées sont rompus», déplore Manuel Nussbaumer, secrétaire syndical d’Unia Genève. «L’équipe d’animation permet de faire vivre le lieu tous les jours au travers d’activités et de sorties, de maintenir une présence, une vie sociale pour les résidents. Nous tissons avec eux des liens forts, nous partageons et échangeons énormément ensemble, nous donnons un sens à leur vie au sein du foyer, nous essayons de les rendre heureux et souriants au quotidien, en évitant au maximum l’isolement qui peut augmenter la perte des fonctions cognitives», souligne Gabrielle.
«Ces personnes licenciées ont le sentiment d’être les dommages collatéraux d’une mauvaise gestion de leur direction. Du côté syndical, nous pointons également la défaillance de l’Etat. Ces licenciements sont d’autant plus aberrants que l’on s’achemine vers un retour à la normale. Mais il est à craindre que ces employées expérimentées soient remplacées par du personnel moins qualifié», note Manuel Nussbaumer.
Plus de planning pour des aides-soignantes
Salariée dans un autre foyer, Maria* n’a, pour sa part, pas été licenciée, mais elle a vu son taux d’activité brusquement réduit en début d’année. «Moi et sept de mes collègues avons été informés par un simple coup de téléphone que nous n’avions plus de planning et qu’il fallait attendre les appels de la cheffe», raconte cette aide-soignante remplaçante rémunérée à l’heure. «D’un salaire net de 3500 à 4500 francs, je suis passée à zéro le premier mois, moins de 500 francs le deuxième et à 1400 francs le troisième. Je ne pense pas qu’on puisse vivre à Genève avec un salaire pareil. Je venais de signer un bail et j’ai un enfant à charge, j’ai dû me débrouiller avec mes économies.» Heureusement, les demandes de remplacement arrivent avec les vacances et Maria a un planning pour le mois de juillet. Par contre, elle ne pourra pas elle-même prendre de vacances cet été.
«Le personnel déjà précaire est encore plus précarisé, alors qu’aucun effort n’est demandé aux cadres, constate Clara Barrelet, secrétaire syndicale du Sit. Cela fait des années que nous dénonçons le manque de personnel dans les EMS, nous nous inquiétons beaucoup qu’une diminution des équivalents plein-temps ne rajoute de la pression sur les équipes.»
Encore une fois, les syndicats demandent à l’Etat et aux faîtières patronales de prendre leurs responsabilités pour garantir les prestations et les conditions de travail. 2021 est une année charnière, les contrats de prestation et la Convention collective de travail devant être renouvelés d’ici à la fin de l’année.
*Prénoms d’emprunt.