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Unia paré pour le gros temps

Sur fond de crise financière, 400 délégués du syndicat ont défini les grandes orientations pour les années à venir

Du jeudi 9 au samedi 11 octobre s'est tenu à Lugano le premier congrès ordinaire du syndicat Unia. Un congrès où les militants ont occupé le coeur de la scène, n'hésitant pas à contester les avis de la direction. Un congrès qui a pris acte d'une fusion réussie et s'est tourné vers l'avenir.  

Vendeuses, métallos, horlogers, nettoyeuses, maçons et bien d'autres encore se sont succédés à la tribune du premier congrès ordinaire du syndicat Unia, qui s'est tenu de jeudi à samedi dernier à Lugano. Des délégués tournés vers l'avenir, vers le renforcement du syndicat, pour faire face aux enjeux actuels et futurs du monde du travail. Des délégués incarnant par leur diversité le bilan positif de la fusion des syndicats SIB, FTMH, FCTA et Actions Unia, décidée il y a quatre ans.
«En très peu de temps, nous avons réussi à fonder notre identité. Nous sommes devenus indispensables à la vie sociale. Aujourd'hui, à l'heure où s'écroule le marché monétaire, notre présence est plus légitime que jamais, car notre réseau syndical est un réseau de solidarité, une des rares forces permettant de remettre l'humain au coeur de la société», a souligné dans son discours de bienvenue Fabio Tarchini, président de la région Unia Tessin et Moesa, qui a rappelé les doutes existant dans son canton sur la fusion en raison des fortes tensions entre les fédérations. Or le Tessin est aujourd'hui l'une des rares régions affichant une hausse des adhérents. Le conflit chez CFF Cargo n'y est pas étranger. Un conflit présent tout au cours du congrès, lors de la présentation le premier soir du film «Giù le mani», ou encore lors de l'arrivée d'une quinzaine de grévistes victorieux des Ateliers de CFF de Bellinzone, ovationnés durant de longues minutes par une salle debout, remplie par 400 délégués et plus de 300 invités et collaborateurs d'Unia.

La crise, invitée surprise
Renzo Ambrosetti, coprésident d'Unia, a lui aussi qualifié la fusion d'«opération réussie», qui a permis à Unia de s'imposer comme un interlocuteur incontournable et de monter au front, y compris par des grèves, lorsque cela était nécessaire. Et de citer la lutte pour reconquérir la Convention nationale de la construction, celle des travailleurs de la Boillat, ou celle des Ateliers CFF de Bellinzone. Renzo Ambrosetti a néanmoins relevé quelques points faibles, comme la diminution du nombre de membres, en  recul de 2,3%. Le congrès a décidé de contrer cette baisse en se fixant l'objectif de 5000 membres supplémentaires d'ici à 2012.
Les délégués ont discuté des priorités syndicales pour les prochaines années, avec en toile de fond l'écroulement des marchés financiers. Une crise qui a traversé les trois jours du congrès au gré des interventions des délégués comme des invités, à l'instar de Patrizia Pesenti, conseillère d'Etat socialiste tessinoise, qui a fustigé la recette libérale et les tenants du moins d'Etat qui n'hésitent pas aujourd'hui à mettre la main dans les poches des citoyens et des travailleurs pour sauver cette «philosophie cynique». Paul Rechsteiner, président de l'Union syndicale suisse, a lui aussi dénoncé l'idéologie néolibérale, «idéologie de l'inégalité sociale érigée en piédestal et qui nous mène à la catastrophe».

Pour un syndicat fort
«Nous allons au devant de temps difficiles, nous avons donc besoin d'un syndicat pour les temps difficiles. Un syndicat participatif, un syndicat de terrain, proche des gens, un syndicat qui agit, un syndicat de masse, représentant l'ensemble des travailleurs», a quant à lui souligné Andreas Rieger, coprésident, en introduction à la discussion sur la charte et la stratégie du syndicat. Stratégie qui a suscité un vaste débat sur la question d'un meilleur soutien aux membres, demandé par les jeunes (voir ci-dessous).
Au cours de ces trois jours, les délégués ont discuté et adopté six textes d'orientation, fixant les priorités de 2009 à 2010. Outre celui sur la charte et la stratégie, ces textes concernent le développement et l'amélioration des conventions collectives, la protection des militants syndicaux ou personnes de confiance, les mesures en faveur des femmes et de l'égalité, l'intégration des migrants et la libre circulation des personnes. Un septième texte, portant sur une restructuration écologique, n'a pas pu être discuté faute de temps. Il le sera en décembre, par l'assemblée des délégués d'Unia, qui décidera également du mot d'ordre pour la votation de février prochain sur la libre circulation.

Solidarité internationale
Dans une des nombreuses résolutions adoptées, les délégués ont également réaffirmé l'engagement d'Unia sur la scène internationale. «La crise du capitalisme financier ne connaît ni balise, ni limite, ni frontière», a lancé Crecentia Mofokeng, responsable de l'Internationale du bois et du bâtiment pour l'Afrique. Elle a rappelé l'importance de la solidarité internationale et les liens créés avec Unia dans le cadre de la campagne Fair Play pour la coupe du monde en Afrique du Sud. Autre syndicaliste invité, le suédois Jyrki Raina a notamment évoqué les arrêts récents de la Cour de justice européenne «ouvrant la porte au dumping», autre thème récurrent du congrès.
«Nous avons pris des décisions importantes, permettant à Unia d'obtenir des succès dans les dures périodes qui sont devant nous. Et nous sommes bien munis pour y faire face, car c'est vous, la force du syndicat», a lancé Renzo Ambrosetti aux délégués, en guise de conclusion aux débats, avant que la salle n'entonne l'Internationale.

Sylviane Herranz



Rajeunir, féminiser, fidéliser...

Les jeunes et les femmes ont suscité de larges débats

Rajeunir et féminiser le syndicat, augmenter ses effectifs, tels sont les défis mis en avant durant le congrès. Des défis autour desquels se sont manifestés nombre de désaccords entre délégués et direction. Que ce soit sur le renouvellement de la direction, dont certains ont critiqué l'aspect peu démocratique, ou sur la place des membres et des militants.
La force du syndicat est-elle due au nombre de membres ou à leur encadrement par des secrétaires syndicaux proches et disponibles? Alors que la direction optait pour le premier aspect, les jeunes ont exigé un bon encadrement des membres, pour les fidéliser et éviter les fréquentes démissions dans les premières années. Des délégués sont montés à la tribune pour soutenir leur demande, et déplorer des méthodes de recrutement similaires à celles de certaines sociétés commerciales, offrant cadeaux ou prestations, sans être à l'écoute des membres. «La demande des jeunes est bonne. Chez CFF Cargo par exemple, il y a eu une symbiose quasi totale entre les ouvriers et les syndicalistes», a relevé Gianni Frizzo, leader de la grève de Bellinzone. Au final, les congressistes ont approuvé un compromis, précisant que la force du syndicat est celle du nombre d'adhérents et de leur encadrement.

Elections disputées
Les femmes ont marqué le congrès par leur fort engagement pour que leur place soit reconnue à sa juste valeur dans le syndicat. La Conférence des femmes d'Unia a ainsi demandé une modification des statuts pour porter le quota actuel de 25% de femmes au sein des instances nationales d'Unia (assemblée des délégués, comité central et comité directeur) à 33%. Cette modification a été acceptée par le congrès contre la proposition plus minimaliste de la direction. Les femmes ont également mené une véritable campagne électorale pour que leurs quatre candidates au comité directeur soient élues. Ces quatre femmes étaient les sortantes Fabienne Blanc-Kühn et Rita Schiavi, et deux nouvelles, Vania Alleva et Natalie Imboden.
Le congrès ayant décidé de passer de dix à neuf membres au comité directeur, l'élection du samedi a été quelque peu tendue. Cinq des quinze candidats s'étant retirés, il restait toujours 10 candidats pour 9 sièges. De fait, l'élection d'une quatrième femme aurait pu remettre en cause la représentation romande. Au final, trois femmes ont été élues: les deux sortantes ainsi que Vania Alleva. Et les Romands sont représentés par Fabienne Blanc-Kuhn et Jean-Claude Rennwald, réélu lui aussi. Le congrès a également reconduit Andreas Rieger et Renzo Ambrosetti à la coprésidence d'Unia.

SH




Couchepin contesté

«Nous demandons de retirer l'invitation à Couchepin, il défend les intérêts des riches, des représentants de l'économie, veut imposer la retraite à 70 ans. Nous avons deux siècles de combat pour améliorer nos acquis, comment laisser parler un des chantres de la déréglementation sociale?» a lancé, jeudi, une représentante de la jeunesse Unia aux congressistes qui l'ont longuement applaudie. Andreas Rieger a précisé que c'est le président de la Confédération, et non le représentant du parti radical qui a été invité. «Unia est un grand syndicat. A ce titre, nous négocions avec le gouvernement. Nous ne pouvons renoncer à cette invitation», a-t-il répondu, suscitant un fort mécontentement dans la salle.
Le lendemain, lorsque Pascal Couchepin est monté à la tribune, un bon tiers des délégués ont quitté la salle en silence. Aussitôt les portes franchies, les notes de l'Internationale ont retenti. Quant à Pascal Couchepin, impassible, il a salué le partenariat social, le rôle indispensable des syndicats pour la prospérité du pays, l'importance des CCT. Il a appelé le syndicat à soutenir la libre circulation des personnes et son extension. Et a reconnu Unia comme un partenaire fiable et loyal, tout en ironisant sur les personnes ayant quitté l'assistance... Son discours terminé, Andreas Rieger a saisi l'occasion de lui demander d'accroître ses efforts pour des mesures d'accompagnement renforcées, rappelant qu'Unia n'avait pas encore pris position sur le vote de février.

SH


Autres articles sur les thèmes abordés lors du congrès dans notre version papier. Vous pouvez en obtenir un exemplaire sur demande à L'Evénement syndical, forum@evenement.ch, tél. 021 321 14 60.